À la loterie du climat, certains arbres vont tirer le billet gagnant

On assiste depuis quelques années à une explosion de la production de fleurs et de fruits au Québec, mais aussi à des récoltes perdues en raison des changements climatiques. Comment nos arbres fruitiers vont-ils réagir au climat de demain ?


En bref :

  • Les hivers plus doux au Québec favorisent la production de fleurs et de fruits.

  • Cependant, la météo extrême pose des risques pour les récoltes.

  • La recherche est en cours pour trouver des moyens d’adapter la production fruitière au climat de demain.


Selon Michel Labrecque, conservateur et chef de division recherche et développement scientifique du Jardin botanique de Montréal, les hivers plus doux et plus courts favorisent la floraison des arbres. Pour les arbres fruitiers, plus la floraison est importante, plus la production de fruits sera abondante. Depuis 15 à 20 ans, on observe une plus grande production de nos arbres fruitiers à cause des hivers moins froids.

Sauf que les écarts de températures futurs, liés aux changements climatiques, peuvent avoir un impact très négatif sur les bourgeons et la production de fruits.

On a des températures douces, puis tout d'un coup il fait -10 °C. Ça peut être très dommageable pour les floraisons. Et s'il n'y a pas de fleurs, évidemment il n'y a pas de fruits. On a vu ça à certaines occasions, des pommiers ont été très affectés par des gels tardifs. Ça peut jouer des tours aux plantes et aux arbres, ce genre de conditions hivernales changeantes.

En effet, si la douceur de nos hivers incite les bourgeons à éclore plus tôt, ils sont alors plus vulnérables à un coup de froid soudain, car c’est lors de l’éclosion qu’ils sont le plus fragiles. Un climat qui se réchauffe ne veut pas dire qu’une poussée de froid, même rarissime, est impossible. Une végétation qui s’adapte à cette douceur est d’autant plus fragile à un épisode de gel tardif, souligne M. Labrecque. Les canicules et les précipitations moins fréquentes posent aussi un problème, témoignent les pomiculteurs.

Si les écarts de températures peuvent être très dommageables pour les arbres, la rapidité des changements climatiques pose un risque supplémentaire. La végétation ne peut évoluer au même rythme que le climat. Par exemple, les sapins, qui ont une zone de croissance relativement restreinte, auront un peu plus de difficulté à trouver leur place.

En revanche, les peupliers et les saules ont un avenir plus prometteur chez nous. C’est dû à leur plasticité, leur capacité à pousser dans différentes conditions. Ce sont des espèces qui peuvent par exemple tolérer d’être à l’ombre ou au soleil, ou qui peuvent survivre à des changements brusques de températures. Selon le chercheur, les espèces plus opportunistes, comme l’érable à Giguère, profiteront des changements climatiques en raison de leur capacité d’adaptation. Les érables à sucre, plus capricieux, pourraient avoir plus de difficulté, car ils occupent une niche plus étroite.

« Un autre risque qui est inhérent aux changements climatiques, c’est l'introduction de ravageurs exotiques qui sont capables de vivre avec nos hivers plus doux », souligne M. Labrecque. Non seulement les arbres devront s'adapter aux changements climatiques, mais ils devront aussi survivre aux insectes comme la chenille spongieuse, la livrée des forêts ou le longicorne asiatique (particulièrement friand d’érable) qui risquent de se multiplier dans le climat de demain. Avec des hivers moins longs et moins rigoureux, ces ravageurs vont être bien plus dommageables pour nos arbres.

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Il faut aussi tenir compte de l’augmentation prévue d'épisodes météorologiques violents. Les fortes chutes de pluie, les épisodes de forts vents et même les tornades feront de plus en plus souvent partie du climat québécois. Ce type d'événement peut dévaster de grandes portions de nos forêts, comme ce fut le cas lors du derecho de mai 2022 dans les Laurentides.

Nos sols sont assez riches en nutriments et en ressources hydriques en surface pour que les arbres n’aient pas besoin de former un système racinaire très profond. Ils sont alors plus facilement déracinés lors d’épisodes météorologiques violents.

Les producteurs agricoles du Québec se sont alliés pour mieux comprendre les effets des changements climatiques et s’y adapter, tout en réduisant les émissions de GES associées à leurs productions. Le projet Agriclimat est un exemple d’initiative pour fournir aux agriculteurs des connaissances et des outils pour faire face aux défis climatiques.

Pour les jardins botaniques du monde entier, l’adaptation des collections en vue du climat de demain cause de réels maux de tête. Au Jardin botanique de Montréal, on envisage d’introduire des espèces qui poussent actuellement à la hauteur de Washington, une bonne nouvelle pour les Québécois qui rêvent au temps des cerises.

« Les changements climatiques vont peut-être nous amener à avoir des espèces plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques qu'on aura dans 50 ans. On se doit d’être en avance sur le reste des populations, donc on se questionne actuellement sur quel type de végétation on devrait peut-être commencer à introduire dans nos jardins. »