En plein hiver, la banquise de l’Antarctique bat un triste record

Julie PerreaultRédactrice

Après avoir établi un nouveau record de la plus basse étendue de glace en période estivale cette année, la banquise antarctique a enregistré un nouveau record du même acabit durant sa période hivernale.

Faits saillants

  • On a enregistré la plus basse étendue de glace hivernale en Antarctique cette année, après avoir battu le même record durant l'été austral.

  • Plusieurs facteurs météorologiques, dont La Niña, ont entraîné cette perte importante de glace de mer.

  • On s'inquiète pour les grands glaciers de cette région, dont le fameux Thwaites qui fond à un rythme accéléré.


À l’extrême sud de notre planète, le continent de l’Antarctique est entouré de glace flottante, provenant directement de l’océan ou générée par l’eau douce s’écoulant des glaciers et des calottes glaciaires du continent. Chaque année, l’étendue de cette glace de mer augmente et diminue au fil des saisons. Il atteint son maximum à la fin septembre ou au début octobre, vers la fin de l’hiver austral.

Il fond ensuite dans une mesure minimale vers la fin de l’été austral, généralement en février ou en mars. Entre 1979 et 2021, la banquise hivernale de l’Antarctique a couvert jusqu’à 20 millions de kilomètres carrés (à peu près toute l’étendue de l’océan Austral), tandis que l’étendue de la banquise estivale a diminué d’environ 2 millions de kilomètres carrés.

En 2022, du 8 février au 8 mars, l’étendue de la glace est tombée en dessous des 2 millions de kilomètres carrés pour la première fois depuis le début de l'enregistrement des données satellitaires. Une nouvelle étendue record a été établie le 25 février de seulement 1,924 million de kilomètres carrés.

La banquise s’étend depuis lors, à mesure que les températures chutent et que cette région du monde est plongée dans l’obscurité de l’hiver. Cependant, depuis le 20 juin, la veille du début de l’hiver austral, l’étendue de la banquise antarctique a établi à nouveau des records quotidiens pour cette période de l’année.

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Ce graphique montre le cycle saisonnier de l’étendue de la banquise antarctique, en millions de kilomètres carrés, de 1979 au 13 juillet 2022. La vue en médaillon est un gros plan sur les dernières semaines, pour mettre en évidence les étendues extrêmement faibles enregistrées depuis le 20 juin. (Source : NSIDC/Scott Sutherland)

Selon le National Snow and Ice Data Center, l’étendue de la glace de mer en juin a été « anormale », c’est-à-dire qu’elle ne correspondait pas aux tendances de vent habituellement rencontrées tout au long du mois.

La glace de mer au large de la côte de Wilkes, où la plate-forme de glace Conger s’est effondrée le 30 mars, n’a apparemment pas ressenti l’impact des conditions plus chaudes observées là-bas. Pendant ce temps, malgré les vents continentaux frais soufflant au large de l’Antarctique occidental au-dessus de la mer d’Amundsen, l’étendue de la glace de mer y a été faible pour cette période de l’année.

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L’étendue et la concentration de la glace de mer au 13 juillet 2022 sont tracées sur cette carte. À travers la mer d’Amundsen et la mer de Bellingshausen, les étendues sont bien inférieures à la moyenne pour cette période de l’année (ligne orange), et les couleurs plus foncées du tracé révèlent à quel point la glace est clairsemée dans ces régions de l’océan Austral. (Source : NSIDC/NASA EO/Scott Sutherland)

Les chercheurs pensent maintenant qu’ils connaissent la raison de l’étendue exceptionnellement faible de la banquise antarctique que nous avons vue en février et en mars.

Dans une étude publiée en avril, ils ont décrit une combinaison de facteurs, tels que les températures océaniques plus fraîches dans l’océan Pacifique équatorial en raison de La Niña, les températures océaniques chaudes observées ailleurs dans l’hémisphère Sud et une forte zone de basse pression atmosphérique au large de la côte de l’Antarctique occidental connue sous le nom de dépression marine d’Amundsen. Ensemble, ces facteurs ont créé un modèle météorologique qui a provoqué un flux de chaleur plus important des latitudes inférieures vers le pôle Sud, entraînant une perte de glace de mer plus importante.

L’Antarctique occidental connaît plus qu’une simple perte de glace de mer. Les glaciers de cette région du continent ont été particulièrement vulnérables aux effets du réchauffement climatique. De nouvelles recherches ont révélé que les glaciers Thwaites et Pine Island, tous deux situés le long de la côte de la mer d’Amundsen, fondent maintenant à un rythme plus rapide que tout ce qui a été observé au cours des 5 500 dernières années.

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Cette illustration montre les emplacements des principaux glaciers le long de la mer d’Amundsen dans l’Antarctique occidental. La superposition de couleur rouge représente les données satellitaires montrant où la vitesse à laquelle la glace se déplace vers la mer augmente sur une base annuelle. (Source : NASA/JPL-Caltech)

Le risque d’effondrement du glacier Thwaites a incité les scientifiques à le surnommer le « glacier de la fin du monde » (Doomsday Glacier).

Thwaites, le glacier le plus large du monde, contient suffisamment d’eau pour élever le niveau de l’océan d’environ 65 centimètres s’il devait s’effondrer dans la mer. Cependant, le plus grand danger vient de la façon dont Thwaites est lié aux glaciers qui l’entourent, aidant à les maintenir en place, et de la façon dont il est connecté à la plus grande masse de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental.

Si Thwaites devait s’effondrer complètement – un risque réel au cours de la prochaine décennie si nous ne modifions pas le cours du changement climatique – cela ouvrirait la voie aux glaciers environnants. Ted Scambos, l’un des plus grands experts mondiaux sur Thwaites, dit que cela pourrait entraîner le reste de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental avec lui. Une telle catastrophe entraînerait une élévation du niveau de la mer de 3 à 4 mètres, déplaçant des millions de personnes des communautés côtières du monde entier.

Adapté d'un article de Scott Sutherland, rédacteur scientifique et météorologue à The Weather Network.

Image bannière : étendue de glace antarctique le 13 juillet 2022. Source : National Snow and Ice Data Center