La calotte glaciaire antarctique fond, mauvaise nouvelle pour l’humanité

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Dans son sixième rapport d’évaluation, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) indique qu’en Antarctique, la température continuera à augmenter et la masse de la calotte glaciaire continuera à diminuer. Un texte de Marta Moreno Ibáñez, candidate au doctorat à l'UQAM.

Il arrive, comme c’est le cas cette année, que la glace du canal Rideau, à Ottawa, soit trop fine pour permettre l’ouverture de la patinoire.

À plus grande échelle, des milliers de kilomètres plus au sud, en Antarctique, la glace de mer a aussi du mal à se former. En effet, l’étendue de glace de mer antarctique a atteint un record minimum le 13 février dernier.

Si on a constaté une forte diminution de l’étendue de la glace de mer antarctique depuis 2016, la masse de la calotte glaciaire antarctique, elle, diminue depuis longtemps.

Experte en météorologie et climatologie polaire, l'auteur apporte un éclairage sur l’effet du réchauffement climatique sur l’Antarctique.

Antarctic Ice National Snow and Ice Data Center

Concentration de glace de mer antarctique le 13 février. La ligne orange représente l’étendue médiane de la glace de mer correspondante à la période 1981-2010. (Source : National Snow and Ice Data Center, University of Colorado, Boulder (NSIDC))

L’Antarctique, le continent blanc

L’Antarctique, un continent couvert de glace entouré par l’océan, détient 90 % de la glace mondiale. Cette couverture de glace, nommée « calotte glaciaire » (ice sheet), est une masse de glace d’origine terrestre qui est le résultat de l’accumulation et du compactage de la neige sur des milliers d’années. Le prolongement sur la mer de la calotte glaciaire constitue une plate-forme de glace flottante (ice shelf).

La calotte glaciaire antarctique est composée de la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental et de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental. La plupart de cette dernière est ancrée sous le niveau de la mer. Autour de l’Antarctique, l’étendue de glace de mer, qui se forme à partir de l’eau de l’océan, augmente en hiver et diminue en été.

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L’Antarctique se réchauffe plus vite

L’Antarctique n’est pas épargné par le réchauffement climatique. Au contraire. Dans un contexte de réchauffement climatique, l’augmentation de la température aux hautes latitudes est plus forte par rapport à l’augmentation de la température moyenne globale. Ce phénomène est connu sous le nom d’« amplification polaire ».

La rétroaction glace-albédo est un des processus qui explique ce phénomène. En effet, l’augmentation de la température près de la surface contribue à la fonte de la glace, ce qui contribue à l’augmentation de la température. Pourquoi ? Parce que l’albédo (c'est à dire la fraction de l’énergie solaire qui est réfléchie par une surface) de l’océan et du sol sous-jacent est inférieur à celui de la glace.

Au cours des quatre dernières décennies, le réchauffement climatique a causé la diminution de l’étendue de la glace de mer moyenne dans l’Arctique, mais pas dans l’Antarctique. Si on ne trouve pas dans le passé récent une tendance significative de diminution de l’étendue de la glace de mer moyenne antarctique, c’est parce que les tendances régionales, positives et négatives, se compensent, et qu’il y existe une forte variabilité interne.

Cependant, l’étendue de la glace de mer antarctique a diminué fortement depuis 2016. La diminution de la superficie du couvert de glace marine contribue à l’augmentation de la température (rétroaction glace-albédo), mais elle ne contribue pas à l’élévation du niveau de la mer. Quant à la calotte glaciaire antarctique, sa masse a diminué depuis au moins l’année 1990, le taux de perte le plus important ayant eu lieu pendant la dernière décennie.

Dans son sixième rapport d’évaluation, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) indique qu’en Antarctique, la température continuera à augmenter et la masse de la calotte glaciaire continuera à diminuer. Notons que la croissance de la calotte glaciaire est beaucoup plus lente que son retrait, ce qui implique que si elle continue à fondre durant ce siècle, cette fonte ne sera pas réversible à l’échelle de temps humaine.

En ce qui concerne la glace de mer antarctique, le degré de confiance dans les projections climatiques de celle-ci est faible. Pourquoi ? Entre autres, parce que les simulations avec les modèles climatiques ne capturent pas assez bien l’évolution observée de celle-ci. On ne peut donc pas en tirer des conclusions.

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Effondrement de la calotte glaciaire : quelles conséquences ?

La fonte soutenue des glaces de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental pourrait indiquer qu’un retrait instable (qui se renforce lui-même) de celle-ci a commencé ou est imminent. Mais il existe beaucoup d’incertitude sur ce phénomène.

Le mécanisme qui expliquerait ce retrait instable est connu sous le nom d’« instabilité de la calotte glaciaire marine ». Si le substrat rocheux sur lequel se repose la calotte glaciaire marine est en pente vers l’intérieur, la position de la ligne d’échouage (zone à partir de laquelle la glace, qui repose sur le substrat rocheux, commence à flotter) est instable. En effet, l’amincissement de la plate-forme de glace cause le retrait de la ligne d’échouage, ce qui mène à une augmentation du flux de glace de la calotte glaciaire vers la mer, et, subséquemment, à l’amincissement de la plate-forme de glace. Et ainsi de suite.

La fonte complète de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental causerait une augmentation de 3,3 m du niveau global de la mer. Actuellement, le monde se dirige vers un réchauffement de 2,8 °C d’ici la fin du siècle. Un réchauffement soutenu entre 2 °C ou 3 °C serait suffisant pour faire presque disparaître cette calotte glaciaire. Mais ce phénomène prendrait des millénaires.

Ce qu’il faut retenir, c’est que la fonte de la calotte glaciaire antarctique contribue et contribuera pendant longtemps à l’élévation du niveau de la mer, ce qui va mettre à l’épreuve la capacité d’adaptation de l’humanité.

L’augmentation du niveau de la mer d’ici 2100 va affecter particulièrement les pays situés dans les tropiques.

Comme quoi, « ce qui se passe en Antarctique ne reste pas en Antarctique ».

Cet article de Marta Moreno Ibáñez, candidate au doctorat en sciences de la Terre et de l'atmosphère, est republié à partir de La Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.