
Les nazis avaient une station météo secrète tout près du Québec
Durant la seconde guerre mondiale, les nazis sont débarqués à quelques kilomètres du Québec. Mais on a découvert leur présence que 35 ans plus tard. Voici la fascinante histoire d’une station météo secrète.
Un sous-marin allemand aux portes du Québec
Le 22 octobre 1943, le sous-marin allemand U-537 jeta l’ancre dans le nord du Labrador et débarqua dix marins et deux scientifiques chargés d’installer une station météorologique mobile. Celle-ci devait transmettre, par radio, les conditions météo vers Berlin toutes les trois heures.
Se trouvant du côté aval du courant-jet ouest-est, l’Allemagne accusait souvent plusieurs jours de retard sur les États-Unis dans ses prévisions météorologiques. Si les Allemands parvenaient à établir une station météo dans l’hémisphère ouest, ils pourraient mieux planifier leurs opérations militaires, et même prévoir celle des alliés. C’est ainsi qu’est née l’idée de la « station météorologique Kurt ».
Une lourde cargaison
Kurt faisait partie d’un ensemble de 26 stations terrestres « Wetter-Funkgerät Land », fabriquées par la société Siemens, destinées à être disséminées à travers l’hémisphère nord pour compléter les navires et avions météorologiques, trop souvent coulés, abattus ou contraints au silence radio pour ne pas être détectés. La station WFL-26, installée au Labrador, était composée de dix barils métalliques d’environ un mètre de haut. L’un contenait les instruments météorologiques et l’émetteur radio, surmonté d’une antenne de dix mètres et d’une girouette. Les autres contenaient des batteries nickel-cadmium de 100 kg chacune, capables d’alimenter une émission de deux minutes toutes les trois heures, 24 heures sur 24, pendant environ six mois. La WFL-26 reçut le surnom de « Kurt », en hommage au météorologue Dr Kurt Sommermeyer, qui avec son assistant Walter Hildebrant, accompagna la station à bord du U-537.
Un dur périple
Les deux hommes étaient partis de Kiel en Allemagne, le 18 septembre 1943 pour leur première traversée de l’Atlantique. Après avoir subi des dégâts dans une tempête qui empêchaient le sous-marin de plonger ou d’utiliser ses canons antiaériens, le bâtiment a atteint Martin Bay, Labrador sans être détecté.
Une patrouille de reconnaissance débarqua en canot pneumatique et trouva un emplacement, à environ 400 mètres à l’intérieur des terres, où l’installation serait à l’abri des regards d’Inuits ou de voyageurs de passage. Revenus au sous-marin, les hommes chargèrent les dix barils, l’antenne et le matériel dans les embarcations, accompagnés des deux scientifiques et de dix marins armés, puis rejoignirent le site choisi.
Tentatives de camouflage
Ils assemblèrent la station sur une péninsule rocheuse et glaciale, presque dans l’obscurité totale. Les barils étaient peints en noir et blanc pour se fondre dans le paysage aride. Pour tromper d’éventuels curieux, l’équipe dispersa des paquets de cigarettes américaines vides, pour faire croire qu’il s’agissait d’une installation alliée.
Une autre tentative de camouflage fut beaucoup moins subtile et efficace. L’un des barils portait l’inscription « Canadian Meteor Service », censée évoquer le « Service météorologique canadien » un organisme qui à l’époque, n’existait pas, et avec une importante faute d'orthographe en plus. Ironie supplémentaire : le Labrador ne faisait même pas encore partie du Canada, puisqu’il n’est devenu province qu’en 1949.

Photo : Bibliothèque et Archives Canada
Cachée durant près de 40 ans
Près de 35 ans plus tard, Peter Johnson, un géomorphologue qui faisait des recherches qui n’avaient rien à voir avec la météo ni la seconde guerre mondiale, tomba par hasard sur la station Kurt et, la croyant canadienne, lui attribua simplement un numéro de code Martin Bay 7 Il fallut un historien amateur, Franz Selinger, ingénieur retraité pour la société Siemens, qui avait fabriqué les instruments de la station, pour faire le lien entre cette découverte et le U-537, dont le journal de bord confirmait l’origine allemande de la station.
Selinger transmit ses conclusions au Dr Alec Douglas, historien des Forces armées canadiennes. En 1981, Douglas embarqua à bord d’un brise-glace de la Garde côtière canadienne pour se rendre à Martin Bay, retrouva la station Kurt et la rapporta pour conservation.
Sa place au musée
Aujourd’hui, les visiteurs du Musée canadien de la guerre, à Ottawa, peuvent voir la station Kurt restaurée, exposée dans son apparence d’origine : un rappel unique de la seule opération militaire allemande sur le sol nord-américain durant la Seconde Guerre mondiale.
La mission au Labrador avait duré 28 heures. Après avoir testé la station, l’équipe de douze hommes regagna le U-537, poursuivit sa patrouille et reprit la route de l’Europe. La station Kurt, cependant, ne remplit jamais sa mission : les transmissions cessèrent au bout d’environ un mois, sans qu’on sache pourquoi. Peut-être les batteries se sont-elles épuisées à cause du froid, peut-être les signaux ont-ils été brouillés. Aucun document allié ne mentionne la découverte ni la neutralisation de Kurt.
Elle demeura donc là, invisible et silencieuse, pendant plus de trente ans, jusqu’en 1977, quand le Torngat Archaeological Project, financé par le Smithsonian Institution et le Bryn Mawr College, entreprit des relevés archéologiques le long de la côte du Labrador.
