La météo a-t-elle un impact sur le sort des élections ?

La météo a-t-elle déjà influencé des élections d'une façon ou d'une autre ? La question peut paraître curieuse, qu'il s'agisse de l'impact sur la participation électorale ou sur ses résultats eux-mêmes. Or, la science se penche de plus en plus sur la question.


*NOTE DE L'ÉDITEUR : cet article a d'abord été publié en octobre 2019. Certaines mises à jour sur les résultats des élections depuis ce temps ne sont pas nécessairement à jour. *


La pluie inspire-t-elle le vote d'un côté politique davantage que de l'autre ?

Dans les études sur le comportement des électeurs, la météo est rarement sur le radar des chercheurs pour expliquer les variations dans les taux de participation et la popularité ou l’impopularité de certains partis politiques au fil du temps.

La plupart des quelques études explorant le lien entre la météo et la participation électorale ou les résultats eux-mêmes indiquent des liens modestes, d’apparence faible si l’on s’en tient aux chiffres globaux.

Or, c’est lorsque la course s’annonce très serrée que la météo peut être déterminante sur le sort de l’élection.

Les précipitations en Floride ont-elles tout changé en 2000 ?

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Dans le cadre d’une étude ayant fait jasé, des chercheurs ont comparé les données de 22 000 stations météorologiques avec les données de participations électorales pour chaque comté aux États-Unis lors de 14 élections présidentielles. Ils affirment que la météo a pu jouer un rôle lors de deux scrutins très serrés, en 1960 et 2000.

Dans le premier cas, une journée plus riche en précipitations aurait probablement permis l’élection du républicain Nixon en lui faisant gagner sept États pivots, et non le démocrate Kennedy. Dans le second, une journée plus sec aurait vraisemblablement permis au démocrate Gore de remporter la Floride, là où le sort de l’élection excessivement serrée s’est scellé.

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Les chercheurs ont établi que chaque pouce (2,54 cm) de pluie de plus que la normale réduit le taux de participation de presque 1 %, alors que pour la même quantité en neige, il s’agit de 0,5 %. Dans un comté, la différence observée a été de presque 4 %.

Le Canada n'y échappe pas

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Comme l’explique Réjean Ouimet, présentateur et expert chez MétéoMédia, dans le cas du Canada, c’est toutefois le Parti libéral du Canada qui bénéficie de la météo maussade qui inspire la stabilité et l’aversion du risque. Cela a du sens, car c'est ce parti qui a le plus souvent remporté les élections générales depuis 1867.

Selon son analyse de la météo au Québec lors de ces journées de scrutin, lors des neuf plus récentes élections fédérales de 1990 à 2015, le temps maussade ou pluvieux a accompagné quatre maintiens du gouvernement sortant contre un seul changement de régime.

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Le temps beau ou ensoleillé a quant à lui vu deux changements de régime et deux maintiens du gouvernement en place. Cela s’est traduit par trois victoires libérales et une victoire conservatrice lors de journées de scrutin maussades ou pluvieuses, contre deux victoires libérales et deux victoires conservatrices par temps beau ou ensoleillé.

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En ce qui a trait à la participation électorale, une étude récente portant sur le Canada a quant à elle établi que chaque millimètre de précipitation décroît la participation d’un peu plus de 0,1 %. De plus, des températures plus chaudes en été, en automne et au printemps l’augmentent, tandis qu’un mercure plus chaud en hiver la diminue, particulièrement lorsque combinées à des précipitations. L’analyse de Réjean Ouimet note également une plus faible participation lors des cinq journées maussades de scrutin et une participation plus importante lors de quatre journées qualifiées de belles ou ensoleillées.

Évidemment, des différences d’à peine 1 % peuvent paraître risibles de prime abord. Mais elles pourraient être fatales pour des candidats des courses électorales qui s’annoncent très serrées aux niveaux local et régional, surtout dans le contexte du système uninominal à un tour qui créé de la distorsion par rapport au vote populaire.

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En d’autres mots, si une région à la course électorale serrée devait subir de la pluie ou de la météo active, on pourrait s’attendre à ce que le vote plus conservateur en sorte gagnant. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’une région particulièrement populeuse, c’est-à-dire là où il y a une proportion relativement grande d’électeurs, donc de circonscriptions. Dit autrement, cela peut être déterminant sur le nombre de députés que fera élire chaque parti.

Pourquoi la pluie serait davantage bonne pour le vote plus stable, sinon plus conservateur ?

La plupart des chercheurs s’entendent pour dire que le mauvais temps avantagerait le vote des électeurs au statut socioéconomique élevé.

Occupant souvent plus d’un emploi, les travailleurs à faible revenu auraient en effet plus de difficulté à se libérer pour aller voter. Ces électeurs, qui dépendent plus souvent des transports en commun, seraient plus réticents à se déplacer si le temps n’y est pas propice.

À l’opposé, on dit que les travailleurs à revenu élevé auraient généralement plus de facilité à se défaire de leurs obligations pour aller voter. Ils seraient également plus nombreux à posséder un véhicule, ce qui leur donnerait plus de flexibilité pour accomplir leur devoir de citoyen.

Les personnes plus âgées, plus conservatrices et au statut plus aisé présentent un sens du devoir plus prononcé pour le vote que les autres. Dit autrement, ce sens du devoir fait en sorte qu’il serait difficile de les empêcher de remplir ce devoir.

Pour les autres, si le sens du devoir est plus faible, et si en plus les partis ou les candidats ne les inspirent pas particulièrement, ils seront plus facilement découragés d’aller voter, comme lorsque le temps est mauvais.

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Enfin, certains avancent que le temps maussade déprime l’humeur et favorise la recherche de la sécurité, nous rendant tous moins enclins à voter pour des candidats ou partis politiques perçus comme plus audacieux, risqués ou inhabituels.

Avec la collaboration de Réjean Ouimet, présentateur et expert chez MétéoMédia