Anxiété : rouler pour se soigner et en parler ouvertement

C’est à la Maison des cyclistes, à deux pas du parc Lafontaine, que mon collègue Francis Brière me donne rendez-vous. Même si la journée est idéale pour rouler, il prend le temps de venir me parler de santé mentale parce que c’est un sujet qui le touche beaucoup. En fait, qui le touche personnellement.

Francis a grandi en banlieue de Montréal. À l’Université, il fait le choix d’étudier en sciences humaines et en lettres. Il aboutit en journalisme par le plus grand des hasards. Se cherchant un emploi, il voit une annonce dans le journal. Il postule et obtient le poste. Deux décennies plus tard, il est toujours dans le domaine.

« Mon objectif était de travailler à MétéoMédia parce que le climat m’intéresse beaucoup. Je suis rédacteur et, en quelque sorte, pupitreur. (Rire) Je fais beaucoup plus qu’écrire de simples articles. C’est le job idéal, car je dois non seulement rédiger, mais aussi faire des choix éditoriaux, proposer du contenu à nos utilisateurs qui va les divertir, mais en plus les informer. Et il y a aussi tout l’aspect de vulgarisation scientifique qui m’interpelle également. » - Francis Brière, rédacteur à MétéoMédia

Ça fait quelques années que je côtoie Francis quasi quotidiennement. Quand il m'a parlé pour la première fois de ses troubles de santé mentale, j’ai pris le temps de l’écouter. Pour comprendre. C’est dans le cadre de la Journée mondiale de la santé mentale qu’il a bien voulu se confier.

« Quand on a nous-mêmes des problèmes de santé mentale, la Journée nous interpelle beaucoup. Elle sert à sensibiliser les gens, à faire tomber les tabous, à dédramatiser et à mettre de côté les non-dits. Si en racontant mon histoire, ça peut aider juste une personne, eh bien, je pourrai dire mission accomplie. »

Francis souffre d’anxiété. Il m’explique que son trouble se manifeste de façon sporadique. C’est un problème sournois, car le mal-être est invisible. Tout se passe à l’intérieur. En n’étant pas bien, il perd sa motivation et n’est plus fonctionnel.

« Dans ce temps-là, j’ai besoin de m’arrêter et de me ressourcer. Si ça va trop loin, mon sommeil en souffre. Alors, plus j'suis fatigué, plus j’suis anxieux. Et si j’suis plus anxieux, j’suis plus fatigué. Parfois ça devient au point où j’ai peur de ne pas m'endormir. C’est une roue sans fin. Et c’est très épuisant. »

L’anxiété est un terme très large. Les symptômes se manifestent sous toutes sortes de formes et sont bien différents pour tout un chacun. À propos de Francis, est-ce qu’il a toujours été comme ça?

« Je crois qu’il y a une part de génétique. Ma mère est anxieuse et ma fille l'est aussi. Mais je crois que des facteurs extérieurs peuvent venir aggraver ce trouble qui est en dormance. Un ou des éléments déclencheurs peuvent le rendre plus envahissant. Par exemple, si je vis de l’instabilité sur le plan personnel, professionnel ou financier, ça peut devenir la bougie d’allumage de mon anxiété et, à ce moment-là, ça part en vrille. »

Est-ce paralysant?

« Oui. Et ça peut nous mener directement à la dépression. Quand ça m’est arrivé, j’ai dû consulter rapidement. J’ai suivi une thérapie, j’ai vu un médecin pour qu’il m’aide à me remettre sur pied. L’anxiété, c’est un problème de santé mentale qu’il faut prendre au sérieux. Sinon, une spirale s’installe et elle nous tire vers le bas. Il faut réagir rapidement, se responsabiliser et chercher les ressources qui vont nous aider à sortir la tête de l’eau. »

En faisant de la recherche, j’ai lu que pour certains, la meilleure méthode pour s’en sortir était de se tourner vers la drogue ou l'alcool par exemple.

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« C’est vrai que ça peut être tentant, mais moi, ce n’est pas mon cas. Je ne suis pas attirée par ce genre de dépendance. C’est mon médecin qui m’a prescrit une médication, légère mais efficace, qui m’aide à me maintenir à un bon niveau de bien-être. Et ça, ça m’évite de tomber. »

On dit que l’anxiété est une maladie d'inquiétude. Selon ce que me raconte Francis, ce serait un mécanisme de protection que notre corps déclenche pour nous éviter de vivre des émotions trop fortes et trop difficiles à gérer.

Comme une sorte de vigie pour que notre colère ou notre peine trop grandes nous paralysent. En l’écoutant, j’ai l’impression que ce trouble est lié uniquement aux émotions négatives.

« C’est vrai. Je ne pense pas qu’on puisse devenir anxieux en étant trop joyeux. (Rire) Ce serait difficile un peu! À mon avis, ce qui afflige beaucoup les gens aujourd'hui, c’est le stress, la colère, la tristesse, la honte et la peur. Ces émotions-là nous rendent inconfortables. Ce sont des émotions importantes, qui ont un rôle à jouer, mais quand on a des troubles de santé mentale, ces émotions prennent toute la place et nous rendent infonctionnel. Quand on s'aperçoit que c’est ce qui est en train de nous arriver, il faut agir et chercher de l’aide avant de se faire hospitaliser. »

À quel moment as-tu compris que tu étais anxieux?

« La première fois, je devais avoir 18 ans. J’ai vécu une rupture amoureuse qui a été très douloureuse. Ça a été l’élément déclencheur. Le trouble d’anxiété a toujours été là, au fond de moi, mais la situation a été le levier. Après avoir cuvé ma peine, c’est ensuite que j’ai compris ce que j’avais vécu. »

Certaines situations peuvent déclencher des crises et sont directement liées à ce qui se passe dans la vie des personnes souffrant d’anxiété.

« Pour moi, je sais que j’ai besoin de stabilité autant sur le plan relationnel que sur le plan professionnel. J’ai besoin de m’entourer de personnes positives et de me sentir en confiance avec les gens qui m’entourent. Je suis quelqu’un qui n’aime pas trop le changement. J’ai appris à m’adapter, mais je suis mieux et plus à l’aise quand c’est stable. Je fonctionne mieux dans un environnement stable. »

Selon Francis, pour être bien, il faut la connaissance de soi. Il faut apprendre à se connaître parce que cette compréhension de nous-même va nous amener à mettre en place des choses qui vont nous guider dans la bonne direction. Pourquoi se faire violence? À quoi ça sert?

« J’ai 54 ans d’expérience et je l’ai enfin compris! (Rire) Je peux dire qu’aujourd’hui je sens les crises monter et je suis capable d’analyser le contexte et d’agir en conséquence. Je n’irai pas me mettre dans une situation qui va me faire sombrer. »

Pour y arriver, Francis a dû apprendre à prendre soin de lui. Mais prendre soin de soi, qu’est-ce que ça veut dire? Comment est-ce que l’on fait pour remplir son réservoir de bonheur?

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« C’est personnel à tout un chacun. Pour certains, c’est prendre un bain le soir, pour d'autres, c’est voyager ou tomber amoureux! Ça peut être tellement de choses. Moi j’ai appris à me faire du bien. J’ai appris à prendre soin de moi indépendamment des gens qui m’entourent ou de mon travail. Pour être en parfait équilibre, j’ai besoin de ma bulle. J’ai besoin d’un moment seul avec Francis. (Rire) »

Et ce temps d'arrêt, il le vit en pratiquant la méditation et le yoga. Ça lui permet de se recentrer, de se concentrer sur l’essentiel et d’avoir de la gratitude. Mais son temps d’arrêt passe principalement par le vélo. Oh oui! Rouler lui fait un bien fou. Et plus c’est difficile, mieux c’est.

« Moi ça passe par la santé physique. J’ai besoin de faire un effort soutenu et intense pour que mon corps et mon mental soient bien et en harmonie. Pour être en équilibre, j’ai besoin de me dépasser et de me dépenser physiquement, d'être vanné et de me laisser envahir par les endorphines. Moi, ça me fait du bien. Ça devient un besoin, presque comme une drogue. Une drogue positive! Si je ne m'entraîne pas, je le ressens, j’ai besoin de bouger. Le vélo, faire de la distance me procure beaucoup de bien-être. »

Pourquoi le vélo?

« Le vélo est entré dans ma vie par intérêt. J’ai toujours aimé les sports d’endurance. Je n’ai pas la physionomie d’un coureur de longue distance, j’ai plus une constitution de courte distance et en puissance. Mais quand même, j’ai été attiré et je me suis investi là-dedans. C’est bon pour mon mental, mais aussi bon pour mon corps. Le vélo m’aide à maintenir un poids santé parce que si je ne le fais pas, je reste en bas de la côte! (Rire). »

C’est en pratiquant une activité qu’il aime que Francis a compris que c’était bon pour ses troubles d’anxiété. De se réguler, de calmer son esprit et de se réapproprier son corps l’a aidé à sortir de sa tête.

« J’ai besoin d’être dans le moment présent pour être mieux dans ma carcasse. Pour me faire du bien, j’avais besoin de me focaliser ailleurs. »

Malgré les hauts et les bas que l’anxiété lui a fait vivre au cours des dernières années, Francis accepte bien son trouble. Comme il me l’explique, il n’y a pas de honte à ça. Il considère que son trouble anxieux est comme une maladie.

« J’ai pas fait le choix d’être comme ça. Je le suis. C’est à moi de le gérer pour être bien au quotidien et atteindre mon état de bien-être. Je l’accepte. Maintenant, la seule question que je me peux me poser c’est, qu’est-ce que je peux faire pour améliorer mon bonheur. »

À 54 ans, es-tu heureux?

« Oh oui, je suis heureux. Je pense que ça paraît dans ma façon d'interagir avec les autres, l’énergie que je mets dans mon travail et mes projets. Ça se sent quand quelqu’un est heureux. Ils n’ont pas besoin de le dire. Et c’est en apportant des changements dans ma vie que ça m’a permis de dire aujourd’hui, oui, je suis heureux. Moi, j’ai fait des choix. J’ai éliminé certaines choses de mon entourage et j’ai mis mon énergie à des endroits qui, à mon avis, étaient bénéfiques pour mon bien-être. »

Francis, je te souhaite des milliers de kilomètres de bonheur. Merci!