
Mettre les bouchées doubles pour réduire ses émissions
Parce qu’elle travaille avec des ruminants, l’industrie laitière est reconnue comme une source d’émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs acteurs du milieu ont donc choisi de mettre sur pied un laboratoire vivant afin de se donner les outils pour réduire efficacement leurs émissions. Ce laboratoire sert à tester des méthodes de réduction d'émissions directement sur le terrain afin de voir ce qui est efficace et ce qui l’est moins.
Pour les producteurs de lait du Québec, cette démarche, financée par Solutions agricoles pour le climat, Agroalimentaire Canada et Novalait, est essentielle, car ils sont aux premières loges des effets négatifs liés aux changements climatiques.
La ferme Pierre Bolduc a été choisie pour être le site du laboratoire vivant de l’industrie laitière. Il y a quelques années, cette entreprise avait déjà choisi de prendre un virage vers l’agriculture biologique.
« On a toujours été conscientisé à l’environnement et on voulait baisser nos émissions », déclare Vincent Bolduc, propriétaire de la ferme laitière qui possède aussi la fromagerie La Station. Cette fromagerie est reconnue mondialement pour la qualité de ses fromages.
Des stratégies pour réduire les GES
En participant à ce labo vivant, M. Bolduc s’est d’abord vu remettre un bilan de ces émissions. Celui-ci lui a permis de mettre en place des stratégies visant à réduire les gaz à effet de serre que produit son entreprise.
En augmentant le rendement des vaches, on diminue le ratio vaches/émissions, car on utilise moins de bovins pour produire plus de lait, souligne le producteur qui mise beaucoup sur le bien-être de ses animaux pour augmenter leur production de lait. L’été, les bêtes se promènent librement dans le pâturage et, durant les mois d’hiver, elles sont aussi libres de se déplacer à leur guise dans une vaste étable. Elles ne sont pas circonscrites à des stalles individuelles comme dans plusieurs autres fermes laitières.
M. Bolduc a aussi installé des matelas d’eau pour que les vaches soient plus confortables lorsqu'elles se couchent. L’étable possède également des stations munies de brosses rotatives permettant aux bêtes qui le désirent d’aller se faire caresser. De plus, le foin dont elles se nourrissent est préalablement coupé en plus petit tronçon. Cette façon de faire permet aux vaches d’en extraire plus facilement les nutriments. Elles produisent alors plus de lait et ont une meilleure digestion, ce qui réduit leurs émissions gastriques. M. Bolduc se dit fier de participer au laboratoire vivant, car il désire que tous les producteurs bénéficient de ces recherches.
Partage de connaissances dans l’industrie
C’est ici qu’entre en scène Marie-Pier Landry. Elle est agronome et coordonnatrice régionale du laboratoire vivant. Son rôle est de coordonner les recherches avec les producteurs et de s’assurer que les résultats des recherches soient accessibles à tous les producteurs laitiers. Les producteurs ont vraiment la volonté de s’améliorer et de continuer à le faire. Elle assure le lien entre les chercheurs et les producteurs. Je crois que leur potentiel de séquestration du carbone est énorme, souligne l’agronome.
Contrairement à ce que certains peuvent croire, le Canada n’exporte pas de produits laitiers. Agriculture Canada a établi des quotas qui sont équivalents à la demande annuelle des Canadiens. Nous produisons seulement ce dont on a besoin, rappelle Mme Landry. Si un jour un producteur décide de changer de vocation, ses quotas sont redistribués aux autres producteurs. On assure ainsi à l’industrie un prix fixe en tout temps. Elle a très hâte que les producteurs du laboratoire vivant accueillent chez eux les autres producteurs afin de partager les connaissances acquises.
Le troisième acteur du laboratoire vivant, ce sont les chercheurs. Leurs travaux sont testés sur le terrain par les producteurs du laboratoire. Selon Édith Charbonneau, professeure à l’Université Laval au Département des sciences animales et directrice scientifique du laboratoire vivant, l’étroite collaboration entre les producteurs et les chercheurs est essentielle pour atteindre les objectifs établis. On apporte des hypothèses, mais les producteurs connaissent bien leurs métiers, souligne-t-elle. D'abord, nous avons développé un programme scientifique et nous l’avons soumis à Agriculture Canada afin d’obtenir le financement nécessaire à notre recherche. Une fois cette étape franchie, une équipe de 45 chercheurs s’est mise au travail.
La rotation des cultures
Une facette cruciale de la production laitière est la culture des végétaux qui nourrissent les bêtes. De ce côté, il y a aussi place à l’amélioration afin de réduire les émissions de l'industrie, souligne Mme Charbonneau. Les chercheurs planchent en ce moment sur les méthodes de fertilisation, incluant le meilleur moment de procéder à celle-ci ainsi que sur les techniques à utiliser lors de la rotation des cultures afin de conserver un rendement maximum du sol. Les vaches se nourrissent du foin, mais doivent aussi consommer du grain.
Il est mauvais pour la santé des sols de toujours faire pousser la même culture au même endroit. C’est pour cette raison que les producteurs doivent faire la rotation de leurs cultures. La réduction des GES de cette industrie est difficile car on travaille avec des animaux.
Je ne m’attends pas à une révolution, mais tout le monde travaille à en faire le plus possible, rappelle la chercheuse. Les vaches produisent du méthane, mais elle valorise aussi certaines plantes en mangeant ce que vous ne mangeriez pas. Par exemple, on utilise du maïs pour faire de l’éthanol qu’on ajoute à notre essence. Pour ce faire, nous n’utilisons pas toute la plante. Heureusement, ce qu’il reste, les ruminants le consomment. Il n'y a donc pas de perte.
