Parc Frédéric-Back : de carrière à poumon vert!

Qui aurait cru qu’un lieu ayant jadis servi de carrière, puis de gigantesque dépotoir, deviendrait l’un des plus beaux projets de verdissement urbain de Montréal ? Le Parc Frédéric-Back, c’est l’histoire d’un site malmené par l’histoire, transformé par l’ingéniosité humaine, et désormais foulé par des joggeurs, des cyclistes et des pique-niqueurs. Retraçons l’histoire de ce site… en sept couches.

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Une carrière poussiéreuse… et deux cheminées mythiques

Remontons le temps. Dans les années 1920, le site devient une carrière de calcaire, la carrière Miron, du nom des entrepreneurs qui l’exploitent. Pendant près de 50 ans, cette carrière fournit la pierre qui sert à bâtir Montréal. Si vous avez grandi dans les parages, vous vous souvenez peut-être des deux cheminées visibles depuis l’autoroute Métropolitaine, mystérieuses sentinelles d’un univers invisible. Sauf que ce monde invisible était bien réel… et pas très propre. Avec l’ensemble résidentiel, la carrière devient une nuisance. Poussière dans les fenêtres, dynamitage à répétition : disons que ce n’est pas l’endroit idéal pour installer une chaise longue.

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De la pierre au sac-poubelle : le règne du dépotoir

En 1968, la Ville de Montréal achète le site. Et là, changement de cap pour le moins radical : L’endroit devient le plus grand site d’enfouissement à ciel ouvert de l’île. Pendant plus de 20 ans, la carrière avale des millions de tonnes de déchets domestiques et industriels. Et le résultat? 150 hectares de déchets d’une profondeur équivalente à un édifice de 20 étages. Odeurs pestilentielles, méthane, pollution du sol — c’est l’apocalypse du sac vert.

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Recyclage d’un lieu… et d’une vision

Fermé en 1990, le site entame alors une spectaculaire réhabilitation environnementale. Première mission : capter les biogaz générés par la décomposition des déchets. Deuxième mission : transformer ce lieu sinistré en un grand parc public, durable et vivant.

La Ville y installe une centrale de revalorisation énergétique, un centre de tri, une aire de compostage… et surtout, amorce la création du Parc Frédéric-Back, nommé en hommage à l’illustrateur et cinéaste québécois qui a tant milité pour l’environnement.

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Un parc sur sept couches, littéralement

Créer un parc au-dessus d’un ancien dépotoir, ce n’est pas de la petite bière. Il a fallu neuf ans pour poser les six premières couches techniques et quatre années supplémentaires pour recouvrir le tout de verdure. Sous vos pieds se cachent jusqu’à 70 mètres de déchets, étouffés par une véritable lasagne géotechnique :

  1. 15 mètres de recouvrement initial (pour réduire les odeurs, éloigner les animaux et contenir les vents)

  2. Couche de drainage (30 cm de roc et béton)

  3. Géotextile (épais de 0,6 mm, pour l'étanchéité)

  4. Sable filtrant (10 cm de sable fin, soit 40 000 tonnes!)

  5. Couche capillaire de silt/limon (45 à 50 cm)

  6. Couche de protection (encore 50 cm, pour les interventions futures)

  7. Compost et sol de surface (avec 24 000 tonnes de feuilles compostées et 10 000 tonnes de copeaux de bois)

C’est sur ce millefeuille géant que pousse aujourd’hui la végétation. Et elle pousse bien! Plus de 525 arbres, 17 800 arbustes et vivaces ont été plantés, et cinq types d’ensemencement adaptés au climat sec du site assurent une végétation durable… sans trop d’arrosage. Et c’est sans compter une faune qui se réapproprie les lieux !

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Des bulles, pas de poubelles

En vous promenant, vous remarquerez les sphères blanches disséminées dans le parc. Non, ce ne sont pas des décors de science-fiction : ce sont des structures de protection des puits de captage de biogaz. Elles sont devenues l’un des symboles du parc, avec leurs allures de boules d’art contemporain. Autre détail marquant : pas de poubelles dans le parc. Les visiteurs sont invités à ramener leurs déchets chez eux. Une manière concrète de se responsabilise tout en allégeant le travail des équipes d’entretien.

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Un parc en devenir

Aujourd’hui, une portion du parc est accessible au public. Pistes cyclables, sentiers pédestres, aires de pique-nique et d’observation de la biodiversité font déjà le bonheur des Montréalais. Mais attention : le projet complet s’échelonnera sur plusieurs décennies. Certaines zones sont encore en transformation, et le secteur ouest est réservé aux opérations de compostage et de tri.

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Plus qu’un parc, un manifeste écologique

Le parc Frédéric-Back, c’est bien plus qu’un lieu de loisirs. C’est un exemple de réinvention urbaine, une preuve que même les sites les plus pollués peuvent redevenir des joyaux. C’est un lieu que les résidents avoisinants peuvent enfin s’approprier après des décennies et une fierté pour les employés municipaux qui, après avoir travaillé dans les odeurs et la saleté, œuvrent désormais à faire fleurir un écosystème.

Alors, la prochaine fois que vous irez jogger ou pique-niquer là-bas, souvenez-vous de ce qu’il y a sous vos pieds. Et si vous entendez un léger souffle du vent... c’est peut-être aussi celui d’un site qui respire enfin.

À VOIR ÉGALEMENT : À quoi servent les sphères du parc Frédéric-Back?