Voyez comment l'intelligence artificielle pourrait aider à ressuciter la nature

Depuis de nombreuses décennies l’activité humaine a un énorme impact sur la biodiversité. À tel point que pour retrouver une planète en santé plusieurs régions doivent maintenant être restaurées. Pour s'assurer que cette restauration soit optimale, il faut remettre la planète à son état original avant les changements apportés par l’homme. Pour ce faire, des chercheurs ont créé une carte mondiale du couvert végétal naturel.


Christian Messier est professeur d’écologie forestière à l’UQAM. Il fait partie de l’équipe qui a rédigé l’étude qui accompagne cette carte. On retrouve sur Terre trois grands groupes de végétation; les déserts, les prairies et les forêts. « On a réuni des représentants des trois groupes afin de créer ce nouvel outil. Quand on restaure, on croit à tort que la solution c’est de planter des arbres partout. En fait, chaque groupe a son rôle à jouer pour soutenir la biodiversité » souligne le professeur.

« Un vaste feu peut transformer une forêt en savane. Lors de sa restauration, il est essentiel de se demander quel type de végétation serait le plus approprié pour ce milieu tout en tenant compte du nouveau climat. Cet outil va nous aider à mieux restaurer en fonction des objectifs mais aussi de la végétation qui était présente avant et des pressions climatiques du futur » ajoute M Messier.

Outils technologiques

Les chercheurs ont utilisé l'intelligence artificielle pour analyser près de 10 000 aires protégées sur la planète afin de répertorier le type de végétation, le type de climat et les facteurs biophysiques de ces régions. Ces données ont par la suite été injectées dans des modèles neuronaux. Ces modèles sont inspirés du cerveau humain. Ils sont utilisés pour faire des tâches complexes et pour trouver des similitudes lorsqu'on y injecte un grand nombre de données. C’est ainsi qu’ils ont été capables de déterminer quel type de végétation devrait se retrouver dans une région donnée et ce partout sur la planète.

Cependant le travail n’est pas encore fini. M. Messier rappelle que la carte ne tient pas compte des milieux humides. « Au Québec, le couvert végétal devrait être majoritairement forestier mais il est difficile de connaître la place et l’importance des milieux humides. Nous n’avions pas assez d’informations pour nourrir le modèle sur ces écosystèmes. Si on voulait restaurer la vallée du St-Laurent, une portion serait des milieux humides car plusieurs zones ont été asséchées pour l’agriculture » « Ce n’est pas parfait, il y a une certaine marge d'erreurs mais c’est une bonne première tentative» ajoute t-il.

Exemple probant

L’Estrie est un bon exemple de région qui devra tôt ou tard être restaurée. La population de chevreuils qui s’y trouve est si grande que la forêt peine à se régénérer. Selon le professeur, il n’y en avait pas il y a 300 ans. Ils ont migré en provenance du nord des États-Unis à cause de l’agriculture et des changements climatiques. « Si on ne fait rien, nos forêts vont disparaître. Comme cela a été fait dans le parc Yellowstone, il faut réintroduire des prédateurs naturels pour que la région retrouve son équilibre » Il constate que même nos forêts canadiennes sont de moins en moins adaptées au climat changeant et aux nouvelles espèces d’insectes et de maladies. Il faudra donc les restaurer en incorporant des espèces végétales mieux adaptées au climat de demain.

« Restaurer ne s’applique pas seulement à un milieu dénudé, c’est aussi modifier des milieux déjà existants en tenant compte de l’ensemble de la biodiversité et des populations qui y vivent ». Même les déserts, comme le Sahara, soutiennent plusieurs espèces qu’on ne peut balayer du revers de la main. Toutes les régions du globe ne doivent pas nécessairement être restaurées en les transformant en forêt ou en savane, sauf si elles ont été modifiées par l’activité humaine. Grâce à ce nouvel outil, il est possible d’identifier le meilleur type de végétation en fonction du climat et de la biodiversité d’une région. « L’étude et la carte s'adressent aux décideurs comme l’ONU et les gouvernements afin de les aider à prendre les bonnes décisions » conclut le scientifique.


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