L’aviation canadienne vise à devenir carboneutre d'ici 2050

Le système de transport aérien du Canada s'étend sur environ 18 millions de kilomètres carrés, et plusieurs stratégies différentes seront nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.


En bref:

  • Le Canada a adopté un plan d'action pour réduire les émissions dans le secteur de l'aviation.

  • Ce plan comporte plusieurs stratégies concrètes dont de nouveaux carburants, des avions électriques, mais aussi des crédits carbone.

  • Air Canada a déjà annoncé des investissements dans des compagnies de véhicules électriques et de captage du carbone.


L'aviation mondiale a contribué 2 % des émissions totales de gaz à effet de serre en 2019 et les tendances indiquent que les émissions de ce secteur continueront d'augmenter à moins que des changements importants ne soient apportés. Le Canada abritant le deuxième plus grand espace aérien au monde, la pression monte pour innover dans ce secteur réputé polluant.

Transports Canada, en collaboration avec le gouvernement fédéral canadien et l'industrie de l'aviation, a récemment annoncé le nouveau Plan d'action climatique de l’aviation du Canada, qui vise à prendre « des mesures concrètes pour atteindre ses objectifs climatiques et veiller à ce que les Canadiens disposent d’un réseau de transport efficace et respectueux de l’environnement », selon le communiqué de presse.

Dans le plan d'action, on estime que les exploitants aériens canadiens ont rejeté 22 mégatonnes d'émissions de dioxyde de carbone en 2019, tant à l’échelle nationale qu'internationale, soit une augmentation de 75 % par rapport aux émissions de 2005. Bien que des améliorations technologiques aient été apportées, la croissance de ce secteur et les émissions subséquentes ont largement dépassé les améliorations durables.

Les trois principaux éléments du plan d'action sont les suivants : atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050 dans le secteur de l'aviation, faire en sorte que les carburants durables représentent 10 % de l'utilisation totale des carburants d'ici 2030, améliorer l'efficacité du secteur et réduire la pollution due aux activités aériennes, et compenser les émissions restantes.

En raison de la taille et de la croissance rapide de l'industrie aéronautique, la réalisation de ces objectifs est un exploit ambitieux et repose en grande partie sur les décisions prises par les dirigeants de l'industrie, la volonté politique et certaines stratégies qui, selon certains experts, encouragent les pollueurs à continuer de polluer.

« L'aviation est compliquée parce qu'il y a beaucoup de secteurs et d'options différentes, c'est donc très bien de voir qu'un grand plan global est présenté », Paul Parker, professeur à l'Université de Waterloo, spécialisé dans l'énergie, la durabilité et l'aviation. « L'industrie aéronautique internationale fait de bons progrès dans sa planification. Maintenant, [le Canada] doit faire de bons progrès dans sa mise en œuvre. »

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Carburant et avancées technologiques

Le Canada est l'un des 23 pays qui ont signé la Coalition pour l'ambition climatique de l'aviation internationale lors de la COP26. Il s'agit d'un accord contraignant dans lequel chaque signataire crée un plan de réduction des émissions nationales de l'aviation et le soumet à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Ce plan fera l'objet de révisions en 2024, en 2027 et en 2030.

Le plan d'action indique que le développement et le déploiement de technologies aérospatiales vertes, notamment la propulsion électrique à batterie, hybride et à hydrogène, seront essentiels pour réduire les émissions à long terme. Selon les estimations, ces technologies pourraient être commercialisées pour les avions régionaux et les petits avions entre 2030 et 2035, et la technologie hybride pour les monocouloirs pourrait être disponible d'ici 2040 à 2045. Toutefois, ces technologies avancées ne devraient représenter que 1,9 % des réductions d'émissions d'ici 2050. La plus forte baisse des émissions proviendra des carburants aéronautiques durables, qui pourraient contribuer à réduire les émissions de 31,1 à 46,5 % d'ici à 2050.

En 2018, ASTM International a approuvé le carburéacteur avec un mélange contenant jusqu'à 50 % d'éthanol pour l'utilisation des avions. Ces carburants durables sont de l'éthanol fabriqué à partir de biomasse comme le maïs ou les résidus forestiers et sont conçus pour avoir des caractéristiques de performance et de sécurité identiques à celles du pétrole. M. Parker a fait remarquer que les déchets forestiers et les déchets agricoles sont des options potentielles pour élargir les matières premières nationales afin de produire du carburant durable pour l’aviation.

Le plan d'action indique qu'il n'y a actuellement aucune production « significative » de carburants durables pour l'aviation au Canada, mais des annonces récentes d'entreprises privées indiquent l'intention de produire ces carburants. Par exemple, SixRing Inc. est une entreprise de Calgary qui produit des carburants d'aviation durables à partir de matières végétales provenant de l'agriculture et de la foresterie. En septembre, l'entreprise a annoncé qu'elle avait reçu un financement de plus de 1,4 million de dollars du gouvernement fédéral pour augmenter sa production.

La compensation, une démarche « nécessaire » du plan

Le plan d'action indique que la compensation des émissions de carbone jouera un rôle important dans l'atteinte de la carboneutralité d'ici 2050, en raison de la nécessité d'une technologie de pointe et du temps nécessaire pour que ces nouvelles technologies soient testées, certifiées, fabriquées et déployées. Selon les estimations, il faudrait compenser au moins 12 mégatonnes d'émissions en 2050.

La compensation du carbone est une approche controversée pour atteindre un statut carboneutre. Grâce à cette stratégie, les entreprises et les gouvernements peuvent continuer à émettre du dioxyde de carbone tout en participant à des méthodes qui éliminent le carbone de l'atmosphère, comme la plantation de forêts. En capturant plus de carbone qu'ils n'en émettent, ils créent un impact négatif net sur le carbone. À cet effet, Air Canada a d'ailleurs annoncé récemment un investissement important dans une entreprise canadienne de captage du carbone.

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Dans une entrevue accordée à CBC, Sola Zheng, chercheuse au Conseil international pour un transport propre, basé à San Francisco, a déclaré que les compensations de carbone dans l'industrie de l'aviation « ne règlent pas vraiment de problèmes », car « d'autres secteurs [essaient] de réduire les émissions au nom du secteur de l'aviation. »

« Je sais que certaines personnes n'aiment pas avoir des compensations dans ce secteur. Mais je pense que c'est la réponse honnête, a déclaré Parker. Ce que nous voulons faire, c'est parler de la qualité des compensations, car tous les projets ne sont pas égaux. Je pense qu'il est approprié d'avoir des compensations pour reconnaître que nous aurons toujours des composants de carbone. »

Électrifier la flotte

Certains des principaux acteurs du secteur ont déjà entrepris des développements ambitieux pour produire des avions électriques à batterie. En 2021, Boeing a annoncé que tous ses avions commerciaux seraient certifiés pour voler avec des carburants 100 % durables d'ici 2030. L'année suivante, Airbus a annoncé son projet de développer le premier avion commercial à zéro émission d'ici 2035, qui sera alimenté par la technologie de l'hydrogène.

Au Canada, la certification des nouvelles technologies aéronautiques et des nouveaux aéronefs implique un processus rigoureux qui peut prendre entre 5 et 10 ans. Toutefois, des progrès sont réalisés. « Le premier avion [électrique] au monde, le Pipistrel Velis Electro, a été certifié en Europe. Nous ne sommes pas encore certifiés au Canada, alors nous en faisons venir un d'Europe pour que Transports Canada puisse l'examiner », explique M. Parker. « Il s'agit d'une nouvelle technologie de matériaux composites très légers que nous examinons. C'est donc un grand changement par rapport aux avions que nous avions auparavant ».

« Si vous demandez à nos étudiants en aviation, ils veulent voler et ils ne veulent pas polluer ». La plus grande compagnie aérienne du Canada, Air Canada, fait quelques pas vers l'aviation électrique. En septembre, la compagnie a annoncé qu'elle avait investi cinq millions de dollars et était devenue un actionnaire minoritaire de Heart Aerospace, une entreprise en démarrage suédoise qui développe des avions électriques-hybrides.

The ES-30 electric-hybrid aircraft will fly on battery power. (Air Canada/ Heart Aerospace)

L'appareil hybride électrique ES-30 d'Air Canada devrait entrer en service en 2028 (Source : Air Canada/ Heart Aerospace)

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L'acquisition d'Air Canada comprend l'achat de 30 avions régionaux alimentés par des batteries, qui devraient être en service d'ici 2028. L'avion électrique-hybride ES-30 peut accueillir jusqu'à 30 passagers, à un temps de charge de 30 à 50 minutes, une autonomie de 200 à 800 km selon le nombre de passagers, et sera alimenté par des batteries lithium-ion.

Améliorer l'efficacité

Les améliorations opérationnelles au sol dans les aéroports et dans les airs devraient permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les drones joueront un rôle croissant dans la gestion du trafic aéroportuaire pour améliorer l'efficacité. Les contrôleurs du trafic pourront également être plus précis grâce à de nouveaux logiciels permettant d'améliorer les prévisions météorologiques et la surveillance.

Les traînées de condensation créées par les gaz d'échappement des avions ont également un impact considérable sur le climat. La vapeur d'eau qui se dégage de l'avion forme ces traînées, qui finissent par créer des cirrus susceptibles de piéger la chaleur qui se dégage de la surface de la Terre et d'augmenter les températures, en particulier la nuit.

Plusieurs études ont montré que la modification des trajectoires de vol peut réduire ou éliminer la formation de traînées de condensation. En partenariat avec Transports Canada et le Conseil national de recherches, Environnement et Changement climatique Canada mettra au point, au cours des trois prochaines années, un outil météorologique expérimental qui permettra d'identifier et de prévoir les zones de formation de traînées de condensation dans l'espace aérien du Canada afin de suggérer d'autres trajectoires de vol pour éviter la formation persistante de traînées de condensation.

« Vous pouvez utiliser la technologie d'aujourd'hui pour réduire l'impact en envisageant des itinéraires alternatifs, qu'il s'agisse d'un changement d'altitude ou d'un changement latéral. Nous n'avons pas besoin d'attendre une nouvelle flotte, nous pouvons commencer à mettre en œuvre une planification de vol meilleure et plus efficace », a déclaré M. Parker. Compte tenu de toutes ces stratégies, M. Parker a fait remarquer que ces développements durables sont une bonne nouvelle pour l'économie canadienne.

« C'est une excellente occasion de regarder le paquet canadien : nous avons les ressources et nous apportons de nouveaux investissements dans les batteries. Ce serait formidable que des avions électriques soient construits ici, et beaucoup de gens font pression en ce sens. L'aviation est si importante parce que nous sommes un si grand pays, et nous pouvons être un chef de file de l'aviation à faible émission de carbone, a déclaré M. Parker.

D'après un article d'Isabella O'Malley, journaliste à The Weather Network.

Image bannière : l'Aéroport international Pearson à Toronto. (Source : Steve Russell/ Getty Images)