Énergie : l'humanité cherche une solution miracle

Dans un monde où la décarbonisation est au centre des discussions sur l’avenir énergétique de l’humanité, l'hydrogène comme source primaire d’énergie en fait rêver plus d’un. Mais est-ce réaliste? Voici pourquoi le défi est de taille.


Dans cette recherche d'une source d’énergie miracle, il ne faut pas seulement tenir compte des bénéfices pour l'environnement, il faut aussi penser au volet économique de ce virage énergétique. On a souvent cité l’hydrogène comme une source énergétique verte. En effet, lorsqu'on brûle l’hydrogène, aucun gaz à effet de serre n’est émis. Le processus n’émet que de la vapeur d’eau.

Malheureusement, selon Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche à l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, ce gaz ne sera probablement pas la source d’énergie miracle que nous recherchons, car les coûts associés à cette transition sont plus élevés que les avantages créés par l’utilisation de l’hydrogène comme source d’énergie primaire.

Chimiquement élémentaire

Pour produire de l’hydrogène, nous avons besoin d’une source d’énergie afin de casser la molécule d’eau (H2O) et obtenir deux atomes d’hydrogène (H) et un d’oxygène (O). Cette énergie peut provenir de la combustion d’hydrocarbures ou de l'électrolyse, c’est-à-dire avec de l’électricité. L’utilisation d’hydrocarbures émet des gaz à effet de serre puisqu’en brûlant, ceux-ci relâchent dans l’atmosphère du CO2 ou du méthane (CH4). Si la production d’hydrogène se fait avec de l’hydroélectricité, il n’y a aucune émission. On parle alors d’hydrogène vert. Malheureusement, ce n’est pas la méthode la plus utilisée.

L’hydrogène bleu est, quant à lui, produit à l’aide de gaz naturel. C’est la façon la plus répandue dans le monde. Mais puisque cette méthode émet des gaz à effet de serre, nous devrons mettre en place des procédés de captation et de séquestration de ces gaz. De telles infrastructures efficaces n’existent pas et le coût de leur création ferait monter les coûts de production.

Cette source d’énergie ne sera probablement pas le nirvana espéré

« C’est la barrière à l’expansion de l’hydrogène à tout le système énergétique », selon M. Langlois-Bertrand. « Nous avons une bonne longueur d’avance sur beaucoup de pays car notre électricité est déjà verte. Le problème sera cependant de nous assurer que nous pourrons garantir l’approvisionnement futur car il y aura une augmentation de la demande si nous nous lançons dans la production d’hydrogène à grande échelle. »

« Même si on reprend le contrôle de notre consommation et qu’on est plus efficace, on aura quand même besoin d’un nouveau barrage ou d’un champ d’éoliennes. Sommes-nous plus efficaces si on prend cette électricité pour produire de l’hydrogène ou si c’est mieux de l'utiliser directement? ». M. Langlois-Bertrand souligne que lors de l’utilisation d’électricité pour créer de l’hydrogène et lors de la conversion d’hydrogène en électricité, on assiste à une certaine perte d’énergie. Il est donc plus bénéfique d’utiliser directement l’électricité.

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Une fausse bonne idée

Si on compare les voitures électriques à celles à l’hydrogène, il semble clair qu’il n’y aurait pas nécessairement davantage à prioriser les véhicules à l’hydrogène. La voiture électrique tire son énergie de sa pile. Une voiture à hydrogène aurait besoin d’un réservoir contenant le gaz, puis d’un système pour convertir ce gaz en électricité.

« Difficile de voir comment cette conversion peut être avantageuse quand on a déjà les infrastructures pour subvenir aux besoins des voitures électriques. Pour les véhicules qui font directement la combustion du gaz, on a d’autres problèmes. Il faut de l’énergie pour comprimer et stocker le gaz à bord et de l’énergie pour la décompression et l’utilisation. Il y a donc une perte d’énergie qu’on n’a pas avec les véhicules électriques », explique le chercheur.

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Énergie connue

L’hydrogène a cependant d’autres utilités bien ancrées dans nos économies. Il joue un rôle important dans la production d'ammoniac. Ce gaz est une composante importante de la fabrication de fertilisants azotés et d’explosifs utilisés par les compagnies minières. L’industrie pétrochimique en produit aussi beaucoup. Il est utilisé par les compagnies pétrolières pour extraire le pétrole brut des puits déjà presque vides. En effet, lorsqu'on pompe du pétrole d’une nappe, il est impossible d’extraire le dernier 15 % car il n’y a plus assez de pression dans la nappe. On injecte alors de l’hydrogène pour augmenter la pression dans le puits et ainsi recueillir ce qui reste au fond. Reconnue comme une source d’énergie verte, l'hydrogène sert maintenant à extraire plus de pétrole qui, en brûlant, émettra plus de gaz à effet de serre. C’est une contradiction par rapport au but visé.

« Personne n’utilise le pétrole brut, on utilise plutôt l’essence, le diesel ou le kérosène. Dans le processus de fabrication de ces produits, il faut des additifs pour purifier et nettoyer. C’est alors que l’hydrogène joue un rôle important. »

« D'un point de vue réaliste, il y aura encore des produits pétroliers qui seront utilisés pendant des décennies. Si cependant on utilise de l’hydrogène vert pour produire ces dérivés du pétrole brut, on aura tout de même une certaine diminution de nos émissions », ajoute le scientifique.

Des obstacles importants

Même si on choisissait d’utiliser des véhicules à hydrogène dans des zones reculées, comme le grand nord où on procède à de l’exploration minière, et où on n’a pas accès à l’électricité, on serait également aux prises avec des problèmes de logistiques. L’hydrogène doit être acheminé, à moins qu’on le produise sur place avec du gaz naturel. La combustion de celui-ci éradiquerait les avantages qu’offre l’hydrogène. Sans compter les coûts associés à toute l’opération. L’utilisation des véhicules à essence est encore la meilleure solution.

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Si on convertissait toutes les flottes de transport lourd à l’hydrogène, on se buterait aux mêmes problèmes. Nous devrons construire toutes les infrastructures pour le transport du gaz et les stations de ravitaillement pour les camions. « Le coût serait très élevé tandis que si on choisit de les convertir à l’électricité, nous avons déjà les infrastructures nécessaires », souligne le chercheur.

Chaque année, on utilise environ 100 millions de tonnes d’hydrogène dans le monde. Décarboner la production mondiale d’hydrogène devrait être une priorité avant de chercher d’autres utilités pour ce gaz, conclut M. Langlois-Bertrand.


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