Bientôt, quatre fois plus de gens souffriront de stress thermique

Une équipe de chercheurs sino-américains a publié les résultats d’une étude portant sur la fréquence d’épisodes de stress thermique chez les humains, dans le contexte des changements climatiques pour les décennies à venir.

Chaleur et humidité

Lors d’épisodes de chaleur intense, le taux d’humidité dans l’air est un facteur important. Il contribue à stopper notre habileté à nous rafraîchir. En effet, lorsque notre corps a chaud, il transpire. La sueur ainsi déposée sur notre peau va s’évaporer dans l’air. Pour que celle-ci passe de l’état liquide à gazeux, il lui faut de la chaleur, qu’elle prendra à notre corps. C’est ainsi que ce mécanisme utilise le trop-plein de chaleur de notre corps pour le refroidir. Si l’air est déjà trop chargé d’humidité, l’évaporation de la sueur se fait difficilement, car l’air est déjà saturé en humidité et peut difficilement en contenir plus. Ainsi, elle reste plus longtemps sur notre peau, bloquant nos pores. Si l’évaporation ne se fait plus, nos pores restent bouchés par la sueur, empêchant notre corps de produire à nouveau de la sueur qui est à la base de notre mécanisme naturel de rafraîchissement.

C’est pour cette raison que dans des prévisions météo lors de vagues de chaleur, les météorologues prennent bien soin de rajouter le facteur humidex. Cette donnée est un indicatif du taux d’humidité que l’air contient. Il est important de souligner que plus l’air est chaud, plus il est capable de contenir de l’humidité. Cette mesure est prise avec un thermomètre mouillé qui détermine ainsi le point de rosée. Cette valeur est donnée sous forme de température. Par exemple, si le mercure indique 30 °C et que le point de rosée se situe à 27 °C, cela nous indique que l’air contient 85 % d’humidité. Ce qui est beaucoup quand on sait qu'à 100 % on est dans un brouillard assez dense.

Plus de vagues de chaleur, plus de pertes de vie

L’étude a donc tenu compte, non seulement des valeurs enregistrées lors de vagues de chaleur, mais aussi du taux d’humidité présent dans l’air pendant celles-ci. Les deux ensemble font que ces vagues de chaleur peuvent devenir meurtrières. Leur conclusion offre plusieurs scénarios avec différentes valeurs du point de rosée. Lors de fortes vagues de chaleur comme celle que Chicago a connue en 1995 et qui avait fait plus de 700 morts dans cette ville, le point de rosée dépassait 25 °C. À titre d’exemple, à Montréal, lors d’une canicule où le mercure indique 32 °C, le point de rosée dépasse rarement 22 °C, nous faisant quand même ressentir un humidex de 41.

Imaginez maintenant le sud de l’Asie où les canicules font monter le mercure à 36 °C avec un point de rosée qui dépasse régulièrement 30 °C, on se retrouve alors avec un ressenti de 55. C’est précisément dans de telles situations que la population devient vite à risque. Il est important de rappeler que les populations sont relativement bien adaptées à leur type de canicule respective, mais que plus la chaleur et l’humidité s’accumulent, plus le risque de pertes de vie devient élevé. Par exemple, si la canicule de Chicago en 1995 avait connu les mêmes valeurs qu’une canicule en Asie, il y aurait eu largement plus de morts que les 700 enregistrés dans cette ville.

Des points de rosée à 31 °C, 33 °C et 35 °C

L'étude a élaboré des scénarios de canicules dans un contexte de changement climatique. Les conclusions sont inquiétantes. En tenant compte d’un monde qui se réchauffe de 1,5 °C, de 2 °C, voire jusqu'à 4,5 °C et de la capacité de l’air à contenir plus d’humidité offrant des points de rosée de 31 °C, 33 °C et 35 °C, ils ont établi que le nombre de personnes qui pourraient, au cours des prochaines décennies, affronter des canicules meurtrières augmenterait quatre fois plus.

Prenons comme exemple la canicule de Chicago de 1995. Aujourd’hui, 1,28 milliard de personnes connaissent annuellement de telles conditions. L’étude conclut que dans un monde qui se réchauffe de 2 °C, 2,28 milliards d’individus seraient aux prises avec une canicule meurtrière. Avec une hausse de la température globale de 3 °C, c’est maintenant 3,25 milliards de personnes qui seraient touchées. À 4,5 °C, c’est l’équivalent de 61 % de la population mondiale actuelle qui seraient affectés.

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Selon le modèle de prévision climatique CESM-LE RCP8.5, nous nous retrouverons dans un monde plus chaud de 2 °C en 2042 si rien n’est fait. Toujours selon ce modèle, nous serons à 3 °C en 2061 et à 4,5 °C en 2090. Si l’on conjugue à ces faits la courbe de croissance de la population mondiale, il devient facile d’imaginer l’hécatombe que vont provoquer les canicules de demain si rien n’est fait pour réduire nos émissions.