Moins de cyclones tropicaux alors que le réchauffement s'est accéléré

Alors qu’on observe l’évolution des tempêtes Danielle et Earl, une nouvelle étude montre que le réchauffement de la planète au cours du 20e siècle s'est accompagné d'une diminution significative des cyclones tropicaux dans tous les bassins océaniques du monde, sauf un.

Faits saillants

  • Nous observons présentement la 5e tempête nommée cette année, un retard remarquable comparé aux dernières saisons.

  • Cette tendance s'est aussi manifestée à plus grande échelle – des analyses statistiques montrent qu'on voit moins de cyclones tropicaux qu'il y a 100 ans.

  • Les cyclones tropicaux ont diminué dans tous les bassins sauf un : l'Atlantique Nord.

  • La fréquence des tempêtes n'est qu'un des indices du danger qu'elles présentent. On note aussi une augmentation de la puissance et des dommages causés par les cyclones.

La réanalyse climatique, qu’est-ce que c’est?

Quel est l'impact du réchauffement de la planète et du changement climatique sur les cyclones tropicaux? Les chercheurs tentent de répondre à cette question difficile depuis des années. L'un des obstacles auxquels ils se heurtent est la rareté des données recueillies à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. En l'absence de satellites et de réseaux météorologiques internationaux, il était possible de passer à côté de tempêtes entières qui n'étaient pas observées par des navires ou qui ne s'approchaient pas des terres.

Ces dernières années, la réanalyse climatique est devenue un outil précieux dans ce domaine. En exécutant des modèles climatiques sophistiqués à l'aide de données réelles, les chercheurs peuvent reproduire avec précision les événements météorologiques passés.

Appliquée aux cyclones tropicaux, la réanalyse climatique utilise notre compréhension moderne de la façon dont ces tempêtes se forment et affectent la météo pour revoir à la loupe les données météorologiques historiques provenant de la terre et des navires. Les résultats peuvent nous indiquer le nombre total de tempêtes probables – celles que nous connaissons déjà grâce aux archives historiques et celles qui ont probablement eu lieu, mais dont personne n'a été témoin.

NOAA-Hurricanes-1851v2021

Le mouvement des ouragans dans l'Atlantique Nord selon les données de la NOAA, comparant 1851 (en haut) à 2021 (en bas). Bien qu'on ait 13 ouragans dans les données de 1851 contre 21 en 2021, la différence est probablement causée par le manque d'observations à l'époque. (Source : NOAA Historical Hurricane Tracks)

Une diminution du nombre de cyclones tropicaux

En décembre dernier, des recherches menées par le MIT ont montré, à l'aide de réanalyses climatiques, que le nombre de tempêtes tropicales et d'ouragans dans l'océan Atlantique Nord avait augmenté tout au long du 20e siècle.

Une nouvelle étude menée par une équipe internationale de scientifiques a confirmé cette tendance. Toutefois, elle a également révélé une diminution du nombre de cyclones tropicaux dans le reste du monde. Cela inclut les ouragans du Pacifique oriental, les typhons du Pacifique occidental et les cyclones tropicaux du Pacifique Sud et de l'océan Indien.

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« Pour la plupart des bassins de cyclones tropicaux (régions où ils se produisent plus régulièrement), y compris l'Australie, le déclin s'est accéléré depuis les années 1950 », écrit le Dr Savin Chand, auteur principal du nouveau document publié dans Nature Climate Change (et repris par The Conversation). « Fait important, c'est à ce moment-là que le réchauffement dû à l'homme s'est également accéléré. La seule exception à cette tendance est le bassin de l'Atlantique Nord, où le nombre de cyclones tropicaux a augmenté au cours des dernières décennies », a expliqué le Dr Chand.

Dr Chand et Kerry Emanuel, le climatologue du MIT qui a confirmé l'augmentation des tempêtes dans l'Atlantique Nord au cours du 20e siècle, ont tous deux attribué cette augmentation aux effets climatiques locaux. Il pourrait s'agir de modifications des modèles atmosphériques et des courants océaniques, voire de la réduction des aérosols dans l'atmosphère au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Toutefois, même avec l'augmentation récente de la fréquence des tempêtes dans l'Atlantique Nord, Dr Chand affirme que même cette région de l'océan voit encore moins de tempêtes tropicales et d'ouragans qu'à l'époque préindustrielle.

Pas de raison de se réjouir trop vite

« De prime abord, cela peut sembler être une bonne nouvelle : moins de cyclones se forment actuellement par rapport à la seconde moitié du 19e siècle, écrit Dr Chand. Mais il convient de noter que la fréquence n'est qu'un aspect du risque associé aux cyclones tropicaux. »

Les changements climatiques modifient les lieux de formation des cyclones tropicaux, les poussant vers des régions qui ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour faire face à leurs impacts. Les tempêtes deviennent également plus fortes à mesure que les températures de surface de la mer augmentent, et nous les voyons stagner pendant de longues périodes. Les recherches montrent également que les cyclones conservent leur force plus longtemps après avoir touché terre, ce qui a pour effet de prolonger les effets de leurs vents puissants, de leurs pluies torrentielles et de leurs ondes de tempête.

Par conséquent, malgré la diminution du nombre de cyclones tropicaux, les risques de dommages dévastateurs causés par ces tempêtes aux régions côtières augmentent.

Adapté d'un texte de Scott Sutherland, rédacteur scientifique et météorologue à The Weather Network.

Image bannière : l'ouragan Linda en 2021. Source : NASA Worldview