Les négociations climatiques refroidies par la pandémie

Depuis 1995, la planète se réunit chaque année pour tenter de négocier une entente réunissant tous les pays pour lutter contre les changements climatiques. On appelle ces réunions des “Conference of the parties” ou COP. Quelques-unes ont marqué l’histoire comme la COP3 à Kyoto en 1995, d'où est né le Protocole du même nom, ou même la COP21 en 2015 à Paris qui a vu naître l’Accord de Paris. Montréal a été l'hôte de cet événement en 2005. Cette année, à cause de la pandémie, la session de négociations est remise à l’an prochain. Quel impact cette pause aura-t-elle sur la lutte aux changements climatiques ?

La préparation, au coeur de l’avancement

Selon Hugo Séguin, fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, ce n’est pas une si mauvaise nouvelle. Il pense que, pour que les pays déposent à ces négociations des cibles de réduction ambitieuses, il faut que leur gouvernement sente la pression de leurs citoyens. Or, cette année, la pandémie accapare tout l’espace médiatique. Les délégations n’ont donc pas pu se préparer adéquatement, puisque l’urgence était plutôt sur la crise sanitaire mondiale.

La COP 26 était très importante, car les pays se sont engagés, lors de la COP de Paris (2015), à mettre sur table, tous les cinq ans, de nouvelles ambitions de réduction de leurs émissions. C’est à Glasgow en Angleterre que la Conférence devait avoir lieu cette année. “Les conditions seront davantage réunies l’an prochain que cette année”, souligne M. Séguin. En effet, il vaut mieux attendre un an pour reprendre en force que de bâcler le processus trop rapidement. Ceci n’aurait pas un effet bénéfique sur le but ultime : la lutte aux changements climatiques.

Les choses ont quand même bougé

M. Séguin souligne qu’il y a plusieurs fronts dans la lutte aux changements climatiques et que le front des négociations est toujours le plus lent. Par contre, le front des technologies va très bien. Depuis dix ans, le développement des voitures électriques et des piles rechargeables a été très rapide et continue de progresser rondement. De plus, certaines pétrolières européennes avouent, du bout des lèvres, que nous aurions déjà atteint un pic de consommation de pétrole dans le monde.

Autre bonne nouvelle, la Chine, plus grand émetteur au monde, a déclaré, lors d’une assemblée générale des Nations unies, qu’elle se donne pour objectif d’être carboneutre d’ici 2060. Quand la Chine prend un engagement, elle s'arrange pour le respecter, rappelle le professeur.

L’impact de la pandémie

À sa grande surprise, la mobilisation des sociétés civiles n'a pas ralenti malgré le dur coup infligé à l’économie mondiale. En effet, deux importants sondages réalisés par la firme Léger concluent que pour les Québécois, dans une proportion de 50 %, le gouvernement devrait en profiter pour faire plus pour la lutte aux changements climatiques. 33 % pensent qu’il devrait en faire autant et seulement 12 % pensent que nos dirigeants devraient en faire moins et se concentrer uniquement sur l’économie. On aurait pu croire que les gens pencheraient d’abord sur l’économie, mais ce n’est pas le cas, souligne Mr.Séguin.

À ce même sondage, 67 % des Québécois pensent que le gouvernement doit chercher, avant tout, à améliorer la santé, la qualité de vie et l'environnement. Enfin, à la question : est-ce que l’urgence climatique, ses causes et ses conséquences, est un enjeu PLUS important, AUSSI important ou MOINS important maintenant qu’il y a deux ou trois ans ? 85 % ont répondu plus ou aussi important. Selon M. Séguin, cette tendance se retrouve aussi dans plusieurs pays d’Europe, comme la France et l’Allemagne, et il reste convaincu que la majorité des Canadiens penchent dans le même sens.

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Les gouvernements ne sont pas encore en mode relance, ils sont en mode stabilisation. Quand tout sera revenu à la nouvelle normale, note l’universitaire, est-ce que les gouvernements auront investi dans les problèmes ou dans les solutions pour relancer leur économie ? C’est le vrai test des douze prochains mois. Où seront placés les investissements pour relancer l’économie ?

M. Séguin se dit optimiste quant à l’avenir, car selon lui, même si les changements climatiques risquent d’avoir un énorme impact sur la planète et sur notre mode de vie, il reste convaincu que l’on peut encore éviter le pire et qu’il y a des gestes que l’on peut poser pour limiter notre souffrance.

Les pauvres vs les riches

Les négociations internationales ont toujours été un peu plus ardues entre les pays développés et les pays pauvres. Les premiers disent que cette lutte requiert une mobilisation de tous et les seconds rappellent qu’ils ne sont pas responsables des émissions passées. Ils ne voient donc pas pourquoi ils devraient se serrer la ceinture quand ils sont plus des victimes que des responsables des changements climatiques.

Toujours selon M. Séguin, les pays se divisent maintenant en trois types : les pays développés, les pays pauvres, mais aussi les pays émergents, comme l’Afrique du Sud, le Mexique, la Chine, l’Inde, l'Indonésie, le Brésil et la Turquie. Ils ont pris des engagements forts pour leurs contextes à eux, la plupart ont compris leurs rôles. Si on vient à bout des changements climatiques, c’est parce que des pays comme la Chine ont pris le taureau par les cornes. Les nouvelles technologies sont responsables, en grande partie, du ralentissement de la croissance de nos émissions de gaz à effet de serre dans le monde, notamment en Chine.