La pandémie a un impact sur les prévisions météo

La pandémie de la COVID-19 a bouleversé plusieurs secteurs d’activité et le domaine de la météorologie ne fait pas exception. Analyse de Marta Moreno Ibáñez, candidate au Doctorat en Sciences de la Terre et de l'atmosphère à l'Université de Québec à Montréal.

La pandémie de la COVID-19 a bouleversé plusieurs secteurs d’activité et le domaine de la météorologie ne fait pas exception. En effet, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) s’est montré préoccupée par l’impact de la pandémie sur la quantité et la qualité des données d’observations qui alimentent les modèles de prévision météorologique.

En tant que doctorante en sciences de l’atmosphère, je constate dans le cadre de mes recherches sur les dépressions polaires (tempêtes maritimes intenses qui se développent près des pôles) que la connaissance de l’état de l’atmosphère est essentielle pour la bonne prévision des phénomènes météorologiques. À tel point que, des phénomènes relativement petits tels les dépressions polaires risquent de ne pas apparaître dans nos prévisions si nos données sur l’état initial de l’atmosphère ne sont pas assez bonnes.

Alors, pour bien comprendre comment la pandémie peut influencer les prévisions, il faut d’abord savoir comment on mesure l’état de l’atmosphère.

Une collaboration internationale

Le Système mondial d’observation de l’OMM fournit des observations de l’état de l’atmosphère, comme la vitesse du vent, et de la surface de l’océan, comme la température de surface de la mer. Ce système est le résultat d’une collaboration étroite entre des agences nationales et internationales qui fournissent des mesures prises par différents instruments d’observation.

Le Système mondial d’observation de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) est composé d’un grand nombre de systèmes d’observation in situ et satellitaires. Organisation météorologique mondiale

En ce qui concerne les observations in situ sur terre, le Système mondial d’observation de l’OMM compte sur des données observationnelles prises par plus de 10 000 stations en surface, 1000 stations aérologiques et 3000 aéronefs commerciaux, entre autres. Pour les observations in situ sur l’océan, on compte plus de 7000 navires, 100 bouées ancrées et 1000 bouées dérivantes, entre autres. Quant aux observations satellitaires, il y a environ 30 satellites météorologiques et 200 satellites de recherche.

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La fréquence et la distribution spatiale des mesures varient énormément en fonction de chaque type d’observation. Par exemple, on peut obtenir des mesures de précipitation toutes les 5 minutes dans une station de surface, tandis que le satellite CloudSat, dédié à l’observation des nuages à l’échelle mondiale, prend des mesures couvrant une même aire géographique tous les 16 jours.

Exemple de données d’observation de la température de l’air prises à Oslo et a l’aéroport de Svalbard (Norvège). On peut apprécier la variation journalière de la température. Norsk Klima Service Center

Comment se font les prévisions

Les modèles atmosphériques, constitués d’un ensemble d’équations qui décrivent l’évolution de l’état de l’atmosphère, requièrent des renseignements sur l’état initial de celle-ci et de la surface terrestre (terre et océan), afin de pouvoir fournir des prévisions météorologiques. Malheureusement, les données d’observations à elles seules ne sont pas suffisantes pour fournir une image complète de l’état de l’atmosphère, car elles ont une distribution spatiale et temporelle irrégulière, et qu’elles comportent parfois des erreurs.

C’est là où entre en jeu la technique connue dans le jargon scientifique sous le nom de « assimilation de données ». Elle consiste à combiner les données d’observations avec les données obtenues avec un modèle atmosphérique afin d’obtenir la meilleure estimation de l’état de l’atmosphère. En d’autres mots, on part d’une prévision météorologique faite avec le modèle et on la corrige avec les données d’observations.

Le résultat de l’assimilation de données est l’analyse, qui est une image complète et cohérente de l’atmosphère et de la surface terrestre à un moment donné. Une fois que l’on connaît l’état initial de l’atmosphère et de la surface terrestre, on peut appliquer un modèle atmosphérique pour prévoir son évolution.

Exemple d’analyse du Système régional de prévision déterministe (RDPS) du Centre météorologique canadien (CMC). La vitesse du vent (en nœuds) est représentée par les couleurs, et la direction du vent est représentée par les flèches bleues. Les isolignes noires représentent la pression au niveau de la mer. MétéoCentre

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L’impact de la pandémie

La pandémie de la COVID-19 a causé une diminution des observations faites par les avions commerciaux, du fait de la diminution du trafic aérien, comme c’est le cas en Europe, où l’on enregistre une baisse d’environ 90 %. On constate également une diminution des observations manuelles prises dans les stations météorologiques en surface de plusieurs pays en voie de développement, lesquels, à la différence de la plupart des pays développés, n’ont toujours pas fini d’automatiser la prise des mesures. Sur le long terme, les autres composantes du système d’observation pourraient être aussi être affectées négativement si les travaux d’entretien, de réparation et de réapprovisionnement ne peuvent pas être faits.

Bouée de station météorologique flottante sur le lac Michigan. Shutterstock

Il faut noter que chaque type d’observation a un impact différent sur la qualité des prévisions. Des études menées par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) ont montré qu’en l’absence de données météorologiques d’aéronefs, la qualité des prévisions à court terme du vent et de la température diminue de 15 % à l’altitude de croisière, et la qualité des prévisions près de la surface diminue aussi, mais de façon moins importante.

Ironie du sort, l’importance des données d’observations relevées par les avions a été soulignée à la mi-février 2020 lors d’un atelier du CEPMMT dédié à faire l’état des lieux sur les observations d’aéronefs. Heureusement, l’impact des observations satellitaires sur la qualité des prévisions est plus important que celui des données météorologiques d’aéronefs.

Mobilisation des scientifiques

La communauté scientifique s’est mobilisée pour mitiger l’impact de la diminution des données d’observations relevées par les avions. Ainsi, les services météorologiques nationaux européens ont commencé à lancer plus de ballons-sondes. Les observations des satellites récemment lancés peuvent aussi aider à combler le vide laissé par la diminution d’observations. C’est le cas du satellite Aeolus de l’Agence spatiale européenne fournissant des données du vent à différentes hauteurs au niveau mondial et qui a dépassé largement les attentes pour un instrument aussi novateur.

La diminution de la qualité des prévisions météorologiques s’ajoute aux nombreux défis posés par la pandémie. Car au-delà de nous annoncer la pluie ou le beau temps, la météo nous permet de mieux nous préparer aux risques et autres aléas météorologiques tels que les inondations printanières au Québec et les ouragans.

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Avec une saison des ouragans en Atlantique qui s’annonce plus active que d’habitude, la correcte prévision de la trajectoire et de l’intensité des ouragans est d’autant plus importante. En effet, pour les pays de la Caraïbe, où le pic de cas de COVID-19 est prévu juste avant le début de la saison des ouragans,la pandémie est un obstacle majeur dans la préparation à cet aléa météorologique.

La Conversation

Marta Moreno Ibáñez, Candidate au Doctorat en Sciences de la Terre et de l'atmosphère, Université du Québec à Montréal (UQAM)

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.