Ici, on fait de la crème de vache

C’est avec un vrai de vrai Madelinot que je me suis entretenue. Je voulais qu’il me parle de SES îles. Qu’il me les fasse découvrir à travers ses yeux, ses histoires et son vécu. C’est au rythme des vagues, qui lèchent les quelques 200 km de littoral, que Damien Déraspe se raconte.

Damien a bourlingué pas mal à l’extérieur des îles avant de décider de venir s’établir pour de bon sur la terre de son enfance.

« Je suis mieux parti pour mieux revenir, finalement! » - Damien Déraspe, guide touristique

LES DÉBUTS

La première fois qu’il a quitté les îles, c’était en 1987, tout de suite après son secondaire. Il voulait voir le monde, voyager et apprendre l’anglais. Il s'est donc rendu à Montréal pour s'enrôler dans les Forces armées canadiennes. L’aventure a duré six ans.

Par la suite, il est revenu aux îles pour une courte période et c’est à ce moment-là qu’il a rencontré sa conjointe. Ensemble, ils sont repartis pour Québec. C’est à cet endroit que Damien a réorienté sa carrière pour devenir guide touristique.

UN ENFANT, ÇA CHANGE UNE VIE

« J'ai eu des problèmes de consommation et je suis allé en thérapie. C’est là que j'ai rencontré quelqu’un qui m'a dit : tu t’exprimes vraiment bien, va suivre ton cours en tourisme et je t'engage tout de suite dans ma compagnie à Québec. Ça a commencé comme ça. »

Damien est devenu père pour la première fois en 1998. Le désir de revenir pour de bon s’est manifesté à ce moment-là. Il voulait que son fils commence l’école aux îles. C’était important pour lui. Il s'est donné cinq ans. Les attentats du 11 septembre 2001 sont venus bousculer les choses.

« Mon plus grand regret a été de quitter Québec, de quitter mon travail, parce que j'aimais ce que je faisais. Mais au final, je suis content d’avoir fait le ‘’moove’’. Je n’ai jamais manqué de travail. »

RACONTER, C’EST DE FAMILLE

Damien vient d’une très grande famille. Du côté de sa mère, c'étaient des raconteurs. Ça aimait raconter des histoires.

« Oh oui ça jacassait beaucoup. Un soir, on était tous ensemble autour de la table, tout le monde parlait, mais personne ne s'écoutait. Un parlait à l’un qui lui parlait à l’autre, et ainsi de suite. C’était pas mal comique. (Rire) »

Il me raconte (justement) qu’un de ses oncles s’est exilé dans les années 70 pour vivre à Montréal. Par contre, chaque été, il se faisait le devoir de revenir aux îles. Durant un de ces voyages, il est allé faire un tour au musée de la Mer situé à Havre-Aubert. Il s’est mis à jaser avec les autres visiteurs et à raconter l’époque où il chassait le phoque dans les années 50 et 60. En riant, Damien me dit qu’il est resté au musée durant deux heures. Les gens pensaient qu’il travaillait là. Chaque fois que de nouvelles personnes arrivaient, lui recommençait son histoire. Tout ce temps-là, sa femme l’attendait dans la voiture! (Rire).

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« Ce que je dis à la blague, c'est que moi, avec ma parole, j'ai réussi à gagner ma vie. Eux, c’était différent. C'était plus un genre de ‘’hobby’’. La seule chose qui va m'empêcher de faire mon métier, c'est de perdre la mémoire! Autrement, je n'ai pas de plan de fin, pas de plan de retraite. De dire que je vais arrêter à 65 ans, non, ce n'est pas pour moi, ça! »

ACCUEILLANT COMME CE N’EST PAS POSSIBLE

Ça fait déjà plus de 25 ans que Damien gagne sa vie avec sa parlotte. Il en a raconté des histoires, il en a rencontré des gens, et certaines anecdotes demeurent bien rangées dans les archives de sa mémoire.

« Au début des années 2002-2003, les touristes étaient de plus en plus nombreux à venir aux îles. Et de notre côté, on n’était pas structuré comme aujourd’hui pour les recevoir. Ça fait qu’on les attendait sur le quai et quand ils débarquaient du bateau on leur demandait s'ils avaient besoin d’une navette pour se rendre à l'hôtel. Un jour, ça faisait à peu près 50 fois que je demandais la même chose. À un moment donné, un couple d’environ 65 ans est débarqué et je regarde la dame et je lui dis : voulez-vous venir à l'hôtel? Elle a regardé son mari et elle a dit : vous aviez dit qu'ils étaient accueillants aux Îles, mais là, c'est le top! »

COUP DE COEUR EN CASCADE

Allez aux Îles-de-la-Madeleine, c’est accepter d’avoir plusieurs coups de cœur. Chaque endroit est différent. Que ce soit l’Étang-du-Nord, Pointe-aux-Loups, Havre-aux-Maisons ou la plage de Old-Harry, tous ces lieux sont magiques et c’est ce qui fait leur charme.

ILES-DE-LA-MADELEINE - PLAGE

Est-ce que le vrai de vrai Madelinot a lui aussi ses endroits de prédilection?

« Je pense que tout le monde est très attaché à son canton. Parce que les îles, c'est grand et c'est petit en même temps. Moi, je viens de Belle Anse. C'est sûr que pour moi c'est mon coin préféré. Quand je suis revenu aux îles, c'est là que je me suis établi. Je voulais que mes enfants grandissent où j’avais moi-même grandi. C’était important. »

MEILLEUR SPOT

Le vent. Cet ami qui nous suit quotidiennement tout au long de notre voyage. Parfois, il s’amuse à nous souffler dans le cou avec douceur et, à d’autres moments, il s’amuse joyeusement à nous ébouriffer la crinière. Mais pour les amateurs de kitesurf, c’est le paradis! Les îles c’est la combinaison parfaite de vents, de vagues et de plages. Des voiles colorées, on en voit partout… en eau peu profonde, dans des lagunes, ou au large, qui dansent sur la mer. Ça fait partie du décor.

ILES-DE-LA-MADELEINE - ROCHER

INCONTOURABLE

Qu’est-ce qu’on mange? Du homard. Oui, monsieur! C’est ce que vont répondre la plupart des gens. Et c’est vrai que c’est un must. On est aux îles après tout! Par contre, il y a un truc qui est bien connu des locaux et un peu moins des touristes, la crème de vache, aussi appelée la crème des îles.

« La chose la plus rare que l’on trouve, c’est de la crème de vache! Ça, c'est quelque chose qui attire l'attention. Avant, tout le monde avait des animaux, ici. Tout le monde avait des fermes. Parce qu'on était autosuffisant. Et on faisait de la crème de vache. C’est comme de la crème 35 %, mais c’est encore plus épais. Avec des desserts, genre un gâteau aux canneberges, c’est excellent! Dans le temps, c’était assez artisanal et pas vraiment légal (rire), mais aujourd'hui, avec la fromagerie au Pied-de-Vent, on est dans le droit chemin. (Rire) »

TROP ATTACHANTS

Pour Damien, il y a comme un sentiment de sécurité qui émane de ses îles. L’archipel représente pour lui un havre de paix. C’est un sentiment qu’il n’a jamais retrouvé ailleurs.

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Je suis d’accord avec lui. Peu importe d’où l’on vient, on reste toujours attaché au berceau de notre enfance.

Pour les touristes, la perception peut être différente.

« Je pense que ce que les gens aiment en venant chez nous, c'est l'accueil des Madelinots. On est un peuple acadien et on est très chaleureux. C’est familial. Les gens aiment ça. C’est pour ça qu’ils reviennent. (Rire) »

Il y a des gens qui ont voyagé partout dans le monde et qui n'étaient jamais allés aux îles. Mais une fois que tu y as mis les pieds, la seule chose à laquelle tu penses c’est d’y retourner.

« Un guide c’est comme un ambassadeur. Parfois, tu es la seule personne que les gens vont croiser durant tout leur voyage. Si le contact est ‘’so-so’’, ils vont se faire une idée négative du reste de la population. Mais si le contact est très bon, ah bien là, ils vont nous trouver vraiment le ‘’fun’’! »

Et vous? Quand est-ce que vous partez pour les Îles?

ILES-DE-LA-MADELEINE - PHARE