Eau potable en péril

Plusieurs centaines de millions de personnes dépendent quotidiennement de l’eau issue de la fonte des glaciers terrestres en Amérique latine et en Asie. Elle leur sert à s’abreuver, mais aussi à irriguer leurs champs et leurs cultures. Les conclusions de cette nouvelle étude, parue à la fin avril, sont claires, nous perdons chaque année plus de 280 milliards de tonnes de glace qui fondent des glaciers terrestres. Ce fut assez pour faire monter le niveau des mers de 27 mm entre 1961 et 2016.

Le manque d’eau, source de conflits armés.

Depuis plusieurs années, de nombreuses recherches ont été effectuées sur l’impact de la fonte de l’Antarctique et du Groenland sur l’élévation du niveau des mers. Cependant, cette nouvelle étude s'intéresse particulièrement à sept autres régions du monde où les glaciers terrestres fondent à vive allure : l’Alaska, les îles de l’Arctique, la cordillère des Andes, l'Himalaya, l’Arctique russe, l’Islande et l’archipel du Svalbard en Norvège. Cette fonte n’aura pas de conséquences aussi importantes que celle de l’Antarctique et du Groenland sur le niveau des océans, mais elle aura un impact majeur sur l’approvisionnement en eau douce de plusieurs populations qui en dépendent.

Pour de nombreuses populations, l’eau issue de la fonte des glaciers est primordiale. Ces glaciers représentent une réserve d’eau puisqu’ils emmagasinent les précipitations hivernales pour ensuite les relâcher pendant les mois d’été. Dans de nombreuses communautés, cette eau est directement liée à leur survie, car il est souvent difficile de trouver des nappes phréatiques en montagne. La plus grande chaîne de montagnes de l’Asie centrale, les monts Tian Shan, fournit, grâce à ses glaciers, de l’eau à plusieurs régions du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et de la Chine. Depuis 1960, les glaciers de cette chaîne de montagnes ont vu s'envoler 5,4 milliards de tonnes de glace. Aujourd’hui, ces glaciers perdent, chaque année, l’équivalent de deux fois la consommation annuelle en eau de l’Allemagne.

En Amérique centrale, la fonte des glaciers terrestres est également observée depuis plusieurs décennies. Comme pour l’Asie centrale, l’eau issue de la fonte des glaciers de la cordillère des Andes dessert plusieurs communautés en eau potable pendant l’été. Malheureusement, cette fonte s’accélère chaque fois qu’une grande superficie de forêt brûle, comme ce fut le cas en 2019. Lorsque cela se produit, une grande quantité de suie se répand dans l’atmosphère et va ensuite se déposer sur les glaciers avoisinants. La neige, noircie, ne reflète plus l’énergie du soleil et, au contraire, l'absorbe plus facilement, accélérant le processus de fonte. Le retrait de ces glaciers à la vitesse grand V est une source d’inquiétude pour les populations qui dépendent de cette eau quotidiennement. En 2007 et 2010, deux années où les feux étaient particulièrement étendus à cause du phénomène El Niño, il y a eu une augmentation de 5 % de la fonte annuelle des glaciers des Andes.

Il n’y a pas que des coins reculés qui puisent leurs eaux à même la fonte des glaciers. À La Paz, capitale de la Bolivie, 60 % de l’eau potable vient de cette fonte en été. Même si les Andes ne contiennent que 19 000 des 215 000 glaciers terrestres du monde, ceux-ci fondent à un rythme deux fois plus rapide. Selon un rapport préparé par plusieurs agences américaines de renseignement en 2010, l’accès à l’eau potable a le potentiel d’être source de conflits armés au cours des prochaines décennies.