COP 27 : La justice climatique au premier plan

Chaque année, 198 pays se réunissent pour négocier une entente qui permettra à l’humanité de combattre les changements climatiques. Survol des enjeux clés cette année.

Chaque année, 198 pays se réunissent pour négocier une entente qui permettra à l’humanité de combattre les changements climatiques, mais aussi de s’y adapter. Les plus riches, qui sont responsables de 80 % des émissions, ont promis aux plus pauvres, en 2009, qu’ils mettront en place des mécanismes financiers pour aider ces pays à s'adapter au climat de demain. Il faudra aussi négocier une enveloppe pour s’attaquer aux effets déjà très visibles des changements climatiques, comme les inondations et la sécheresse qui mettent en péril leur approvisionnement en nourriture.

Depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, les négociations ont surtout porté sur le «roadmap». C'est-à-dire : comment mettre en œuvre l’accord en s’assurant de respecter les exigences de chaque membre et réduire nos émissions qui sont au cœur de la lutte climatique? Afin de rallier tous les pays, certaines promesses ont été faites, par les pays riches aux pays en développement, qui sont plus vulnérables aux changements climatiques sans en être responsable. Cette aide avait été établie à la COP de Copenhague et se chiffrait à cent milliards de dollars annuellement pour les aider dans leur lutte aux changements climatiques.

Malheureusement, cette enveloppe n’a jamais dépassé 87 G$ et les pays moins bien nantis notent chaque année que nous n’avons pas tenu parole. L’an dernier, le Canada et l’Allemagne ont piloté une initiative de mobilisation afin d’atteindre cet objectif, le Plan de mise en œuvre du financement de la lutte contre les changements climatiques. Les pays en développement réclament aussi une aide en vertu de la clause de pertes et préjudices, qui stipule que les pays responsables de la plus grande partie des émissions s'engagent à soutenir ceux qui déjà sont aux prises avec des événements extrêmes.

Selon Philippe Simard, chargé de cours à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la question climatique, il faudra que les négociations de cette année portent sur le montant qui sera accordé aux pays plus pauvres après 2025. Il souligne qu’il faut un meilleur équilibre entre le financement accordé à l’adaptation et celui accordé à l'atténuation, rappelant qu’en ce moment on est à un ratio de 9 pour 1 en faveur de l'atténuation. Ce qui veut dire que la majorité du financement n’est pas destiné à l'adaptation ou à la réparation pour les pertes déjà encourues par les pays en développement, mais vise seulement des projets futurs.

« La contribution des pays riches sera envoyée au PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement) qui le redirigera vers une multitude de projets. Cet argent ne sera pas remis aux gouvernements des pays en développement mais accordé de façon très locale, là où les besoins sont les plus grands », souligne M. Simard. Mais la réduction des émissions n’est pas facile dans certains pays, car l’utilisation d’énergie fossile est souvent le seul moyen qu’ils ont d’atteindre une meilleure qualité de vie.

Patricia Nying’uro est météorologue et spécialiste du climat au Kenya. Elle souligne le dilemme dans lequel sont placés beaucoup de pays africains. Une grande partie des fonds octroyés aux pays en développement pour s'adapter au climat de demain est distribuée sous forme de prêts avec intérêts. « Ce n’est pas un cadeau. Ça nous coûte cher. » Elle rappelle qu’il est important d’investir dans des projets d’adaptation mais pas au détriment d’un plus gros problème comme la pauvreté. Ironiquement, celle-ci est exacerbée par les taux d’intérêt des prêts destinés aux initiatives climatiques.

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« La science a prouvé à maintes reprises que nos pays sont les plus vulnérables aux changements climatiques. Les pays développés sont les premiers à citer la science comme référence et ainsi dicter la marche à suivre, mais tardent à réaliser leurs promesses », affirme la scientifique. « On nous demande de baisser nos émissions, mais nous n’émettons pas tant que ça et nous voulons continuer de faire croître nos économies. Je suis convaincue que nous pourrons mettre en place, à l’avenir, une économie basée sur le développement durable, mais cette transition requiert beaucoup d’argent et c’est pour ça que nous avons besoin des fonds qui nous ont été promis. »

La corne de l’Afrique vient d’enregistrer sa cinquième saison consécutive avec peu ou pas de pluie, une sécheresse avec de lourds impacts. Plusieurs autres pays ont connu, cette année, des inondations historiques à cause d’une mousson déréglée. Il y a aussi eu, il y a deux ans, une énorme invasion de criquets qui a ruiné des récoltes entières dans plusieurs pays. Tous ces éléments ont un impact direct sur la sécurité alimentaire des populations et sont dus aux changements climatiques.

Mme Nying’uro ne pense pas que cette COP va livrer toute la marchandise, mais elle souligne que, depuis quelques années, il y a eu des progrès qui ont mené dans la bonne direction. Une chose sur laquelle chaque partie s’entend, c’est qu’il faut augmenter nos investissements en adaptation, car les changements climatiques sont déjà là et notre futur dépendra de notre capacité à nous adapter.

Image bannière : les chefs d'état présents lors de la signature de l'Accord de Paris en 2015 (COP21). (Source: Presidencia de la República Mexicana/Wikimedia)