Cet ancien lac canadien aurait modelé le climat mondial

Alex Verville et Josyane CloutierPrésentateur/Créateur de contenu et Rédactrice

Le Canada n’a pas toujours été comme on le connaît aujourd’hui. Modelé par le mouvement des glaciers, son paysage a énormément changé au cours des derniers millénaires. Un des aspects les plus impressionnants de son évolution est l'histoire de l'ancien lac Agassiz, une massive étendue d'eau douce dont l'influence est encore peu connue à ce jour.


Les Prairies canadiennes englobent une large portion du territoire canadien, allant de l’Alberta au Manitoba. Cette région bénéficie d’un relief assez plat et homogène, parsemé de roches sédimentaires.

Le lac proglaciaire Agassiz était un des lacs les plus importants d’Amérique du Nord, couvrant une superficie d'environ 440 000 km2 (selon certaines estimations). Il y a 12 000 ans, ce lac recouvrait une large portion du Manitoba et de la Saskatchewan, débordant même l'autre côté de l'actuelle frontière avec les États-Unis.

Il y a environ 8500 ans, l'immense glacier à l'extrémité nord du lac, qui retenait une partie des eaux à la manière d'un barrage, a cédé. Résultat : le lac s'est vidé en un très court laps de temps dans la baie d'Hudson avant de rejoindre l'océan Atlantique nord.

Cet apport massif d'eau douce a débalancé le fragile équilibre de l'océan, perturbant la circulation thermohaline (soit la circulation océanique reliée aux variations de la densité et de la température de l'eau de mer). L'eau douce étant moins dense que l'eau froide et salée, sa présence en quantité plus importante qu'à l'habitude (et, qui plus est, de manière soudaine) aurait causé un ralentissement de cette boucle de circulation. La circulation thermohaline joue un rôle prépondérant dans les transferts de chaleur à l'échelle du globe.

Cet événement aurait donc, par la bande, engendré un refroidissement significatif dans cette partie du globe, qui aurait duré entre 100 et 150 ans. Cet événement est appelé le Dryas récent (traduction libre du terme anglais «Younger Dryas»).

Cependant, cette théorie ne fait pas l'unanimité : certaines équipes estiment plutôt que le refroidissement aurait été causé par les courants atmosphériques. Les effets de la circulation thermohaline sur le climat sont effectivement plus ou moins bien connus, à ce jour.

Le contenu continue ci-dessous

Contribution archéologique

Le lac Agassiz aurait également permis de conserver les restes d'un dinosaure presque parfaitement. Le Borealopelta, un spécimen herbivore, a été retrouvé dans un excellent état près de ce qui fut le lac Agassiz.

Sa conservation a été rendue possible grâce au phénomène «bloat and float». Le temps que la marée apporte le corps dans l’eau, des bactéries commencent à se développer et créent un gaz qui s’accumule dans le corps de l’animal. Ces gaz ont contribué à garder le dinosaure à la surface de l’eau, sur le dos, à une distance d'environ 200 à 400 kilomètres des côtes. Tranquillement, le gaz quitte le corps de l’animal qui commence à sombrer. Le CO2 et les autres substances interagissent avec les fonds marins et créent de la sidérite. C’est ce minéral qui a enveloppé ce dinosaure et qui l’a conservé pendant des milliers d’années.

Le fossile a été découvert par un mineur dans l'actuelle Alberta. Aussitôt que les scientifiques ont mis la main sur le spécimen, ils ont été fascinés par son excellente conservation. Entre autres, on peut toujours y voir des pigments sur les écailles du dinosaure. La disposition de couleurs plus pâles sur le ventre et de couleurs plus vives et foncées sur la face dorsale correspond à un tactique de camouflage appelée « ombre inversée ». Les pingouins, les requins et même les écureuils utilisent cette même technique. C'est la première manifestation de ce genre dans le monde animal jurrassique.

Autre découverte fascinante rendue possible par l'analyse du fossile de ce Borealopelta concerne son alimentation. Les scientifiques ont pu extraire de sa cavité abdominale des morceaux de restes intestinaux fossilisés. 88 % de ceux-ci sont composés de tissus végétaux, majoritairement des restes de fougère. Ce n'est rien de surprenant considérant que cette espèce de dinosaure est herbivore. Ce qui a surpris les chercheurs, ce sont plutôt les 6 % de matière organique brûlée, de charbon, retrouvés. Comme la fougère est une des premières plantes à parsemer le sol de forêts brûlées, les scientifiques croient que le Borealopelta courrait les feux de forêt fraîchement éteints pour se gaver de fougère et du même coup, de végétation brûlée.

Chose certaine, même si aucun humain présent sur Terre n'a connu le lac Agassiz, ce dernier aide grandement la communauté scientifique !


À VOIR ÉGALEMENT : Des lacs prisonniers de la glace de l'Antarctique