C’est le plus grand au Canada, depuis les années 70

C’est l’après-midi et on dirait qu’on est au mois de novembre, même si on est en juin. Le ciel est gris, il fait froid et l’énorme stationnement où je me trouve est désert. C’est tristounet un ciné-parc en plein jour. Mais en même temps, c’est là où se cache toute la magie.

Quand la nuit tombe, le ciné-parc prend vie. Pas vraiment à cause des films, mais plutôt à cause des gens qui le fréquentent.

C’est ici, entre un écran géant et une machine à popcorn que Normand Jr. Mathers a grandi. Son père travaillait là. Le samedi soir, toute la famille était au ciné-parc.

« La première fois que je suis venu, j’avais 8 ans et c’était pour voir le film Halloween. J’ai fait mon brave, mais quand je suis arrivé chez nous, je ne voulais pas monter les marches les lumières fermées. Ça a pris tout mon p’tit change pour le faire. » - Normand Jr. Mathers, gérant du Ciné-Parc Saint-Eustache

Même si un parfum de nostalgie semble toujours flotter, les choses ont beaucoup changé depuis l’ouverture en 1971, à commencer par la technologie.

« Dans le temps, les films, c’était du 35 mm. C’était des petites bobines. Nous, on devait mettre ça sur de grosses bobines. Il fallait que les projectionnistes fassent le montage. Couper les films qui étaient brisés, qui étaient pliés ou qui étaient fendus. Il fallait regarder le film au complet avant de le passer aux clients. Sinon, on aurait eu parfois des méchantes surprises. »

Depuis, ils sont passés au numérique. Disons que ça rend les choses plus simples.

À la fin des années 60 et au début des années 70, c’était l’époque hippie. Le père de Normand avait décidé, lors des deux premières années d’opérations, d’ouvrir à l’année.

« L’hiver, on louait des petites chaufferettes de 220 volts qu’on branchait après le poteau où était le micro. Puis, tu mettais le chauffage dans ta voiture. C’était Flower Power dans le temps. On essayait toutes sortes d’affaires. »

NOSTALGIE

C’est drôle, mais aller au ciné-parc, ça me replonge dans mes propres souvenirs. Je devais avoir 6 ou 7 ans la première fois.

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Mes parents m’avaient emmenée voir E.T. et je me souviens de l’ambiance, du popcorn et du micro accroché à l’antenne de la voiture. Le son était un peu « cacane ». Les images du film étaient un peu sombres, mais c’était le fun pareil.

« C’était facile d’installer les micros avec les antennes en métal. Mais quand les antennes ont été camouflées dans le pare-brise, c’était une autre histoire. Il y avait des employés qui se promenaient, soir après soir, pour expliquer aux gens comment faire. Le truc était d’enrouler le fil autour des essuie-glaces. Comme ça, le fil était en contact avec le pare-brise et on avait du son. »

Dans les années 80, le père de Normand était propriétaire de deux ciné-parcs. Pour économiser de l’argent, il jouait le même film aux deux endroits. Étant donné que c’était des programmes doubles, il passait son film en premier à Saint-Eustache et le repassait pour la deuxième projection à Repentigny.

« Je me vois encore. Une fois que le premier film était fini, il fallait que je prenne toute la bobine, que je mette ça dans mon char et là, je partais à la course pour aller le faire jouer à Repentigny. J’ai été chanceux, je n’ai jamais croisé de police. (Rires) »

Tout en me racontant ses anecdotes, Normand se met à me parler de la fameuse tradition de cacher du monde dans la valise. Hé là là !

J’ai raconté à mes filles qu’à l’époque, on faisait ça pour que ça coûte moins cher. Elles ont trouvé ça vraiment drôle et maintenant lorsqu’on va au ciné-parc, juste avant d’entrer, je m’arrête sur le bord, les filles embarquent dans la valise et se cachent. Juste pour le « kick ».

LE FILM, UN PRÉTEXTE

Aller au ciné-parc, c’est un événement, un lieu de rassemblement. On est d’accord pour dire qu’être assis dans son salon ou dans une salle de cinéma, c’est beaucoup plus confortable. Mais, l’ambiance est moins le fun.

Le plaisir justement, c’est d’y aller en gang, en famille ou avec des amis. Tous les prétextes sont bons. La preuve : Normand me raconte qu’à l’occasion, il y a des rassemblements de voitures Honda Civic modifiées, de Volkswagen, de voitures anciennes ou de Mustang (oui oui, des trippeux de chars).

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Finalement, ce n’est pas un film que tu vas voir, tu vas voir tes chums.

« L’été, les gens arrivent à sept heures, puis je vois un paquet d’enfants qui jouent au soccer, qui jouent au football, qui jouent au basket, qui font du skateboard, qui courent avec le chien. Il y a même des gens qui ont déjà essayé d’amener leur barbecue. Ils voulaient faire un pique-nique sur place ! (Rires) »

La grande question que j’ai osé poser à Normand, c’est à propos du popcorn. Pourquoi est-il tellement meilleur qu’à la maison ?

« Ben, c’est parce qu’il est fait sur place et il est chaud. On ne met pas d’ingrédients magiques (Rires). Lorsqu’on fait chauffer les grains dans l’huile, on met un peu de beurre avec un peu de sucre. Ensuite, on ajoute sur les grains éclatés du beurre liquide, c’est bon pour le cholestérol (Rires). Dans le fond, le secret du popcorn, c’est la magie du cinéma ! »