Temps des sucres et changements climatiques : mélange fatal?
Rédactrice - MétéoMédia
Mardi 8 mars 2016 à 18 h 22 - C'est une question qui revient hanter les Québécois amateurs de sirop d'érable chaque printemps : le temps des sucres est-il affecté par les changement climatiques? Voici quelques données que nous avons répertoriées pour vous.
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Situation actuelle
Au Québec, l’acériculture représente une industrie importante à la fois sur le plan économique que culturel. La production québécoise de sirop d’érable représente environ 93 % de la production canadienne et 80 % de la production mondiale. Cette industrie de l’érable génère des revenus annuels de plus de 280 millions de dollars pour les producteurs et est en constante expansion depuis les dernières décennies. L’exportation constitue une mise en marché importante. En 2012, les produits de l’érable du Québec étaient vendus dans 52 pays à travers le monde, avec une majorité vers les États-Unis.
La production d’eau d’érable dépend de plusieurs facteurs. Les caractéristiques génétiques des érables, les avancées technologiques, la nature et la fertilité du sol, le drainage, l’écosystème ainsi que les conditions climatiques vont contribuer largement au volume d’eau récoltée, à son goût et à sa teneur en sucres. On sait depuis longtemps que c’est une succession de températures au-dessus de 0 °C le jour et en dessous de 0 °C la nuit qui constitue les conditions idéales pour déclencher le phénomène de la coulée au printemps.
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(Crédit photo: Paul Georges)
Changements climatiques : enjeux pour le secteur acéricole québécois
Les producteurs acéricoles du Québec ont noté depuis quelques années, des rendements qui peuvent varier du simple au double d’une année à l’autre dans une même érablière et avec les mêmes façons de faire. Selon des études menées par des chercheurs du GIEC, du Consortium Ouranos, la Fédération des Producteurs acéricoles, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune et les universités McGill et Laval, les changements climatiques seraient à l’origine de ces grandes fluctuations dans la production annuelle de sirop d’érable.
Selon les scénarios élaborés par les experts, d’importants changements dans le régime des températures moyennes, des précipitations ainsi que des phénomènes climatiques extrêmes sont appréhendés. Les quatre saisons typiques du climat québécois sont appelées à être modifiées. Conséquemment, deux aspects sont à considérer : un changement potentiel de l’aire de répartition des érables et une modification de la saison de coulée de l’eau d’érable. Ces variations des conditions climatiques tant dans la température que dans les précipitations vont se vivre différemment selon les régions du Québec.
Les chercheurs ont comparé les résultats obtenus sur la production de sirop d’érable sur une période de 22 ans (1985-2006) avec des données climatiques issues de 132 stations météorologiques localisées sur le territoire des érablières du Québec. Les travaux démontrent que de toutes les variables influençant la production de sirop d’érable, la température moyenne de janvier et d’avril ainsi que les températures maximales de février et mars expliqueraient 84 % de la variabilité du rendement annuel de sirop par entaille à l’échelle provinciale. Ainsi, un mois de janvier froid serait profitable à la coulée de l’eau d’érable au printemps, des températures exceptionnellement chaudes à la fin février sont propices à un début hâtif de la saison de production, tandis que des températures chaudes à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril provoquent une fin hâtive de la saison des sucres.
(Crédit photo: Lynn Trottier)
L’avenir de la production du sirop d’érable au Québec
Des mois d’avril de plus en plus chauds au cours des années à venir pourraient être responsables de la diminution des rendements en sirop d’érable dans le futur. Selon les résultats des recherches sur l’impact des changements climatiques sur la production de sirop d’érable, le rendement à l’entaille devrait diminuer de 15 % en 2050 et de 22 % en 2090.
L’érable serait-il capable d’adaptation ?
Les résultats du passé nous permettent d’espérer. L’érable à sucre semble bien adapté pour répondre à des conditions climatiques particulières. Ce fut le cas notamment en 2010 et en 2012, alors que le réveil de l’érable s’est produit en même temps que l’arrivée précoce du printemps. La coulée a été hâtive et la saison des sucres a pris fin brutalement quand la température s’est réchauffée rapidement. Dans un contexte de changements climatiques, l’érable à sucre pourra toujours produire de l’eau d’érable dans la mesure où il est confronté à un hiver rigoureux suivi d’un début de printemps caractérisé par une succession de nuits sous zéro et de jours au-dessus de zéro. Si le climat se réchauffe davantage, il est important de noter que ce changement rendra les forêts plus sensibles en perturbant tous les écosystèmes. Ainsi, celui des érablières pourrait migrer et se développer plus vers le nord, permettant aux espèces d’arbres, adaptées à des conditions plus clémentes, d’envahir l’ancien écosystème des érables. On assisterait ainsi aux déplacements des espèces dominantes. En progressant vers le nord, les érablières coloniseraient, au cours du temps, les sols actuellement occupés par des peuplements de conifères. Ainsi, les sols pauvres des conifères à décomposition lente assurée par des champignons, des mousses et des lichens, se transformeraient peu à peu en sols plus fertiles grâce à une activité biologique beaucoup plus intense engendrée par l’érable à sucre lui-même.
Retour en chiffres sur l'industrie du sirop d'érable au Québec :
Sources:
http://www.agrireseau.qc.ca/erable/documents/AudreyRondeau%20final.pdf
http://www.ouranos.ca/fr/symposium/documents/Houle2012B.pdf
